Jacob Zuma et Barack Obama lors d’une conférence de presse, à Pretoria lors de la visite du Président Américain en Afrique du Sud en Juin 2013.
Précédemment nous vous rappelions l’historique des accords APE (Accord de partenariat économique) entre les pays de l’UE et ceux de l’ensemble ACP (Afrique Caraïbes Pacifique). Dans cet article, nous allons vous exposer la politique commerciale des États-Unis en Afrique Subsaharienne depuis les années 2000. Cette dernière se cristallise autour de l’AGOA ( African Growth Opportunity Act ), présentée comme une opportunité de développement pour les pays africains. Mais qu’en est il vraiment?
L’AGOA est la « pierre angulaire de l’engagement économique des États-Unis avec les États d’Afrique Subsaharienne ces quatorze dernières années »
Ainsi s’exprimait Michael Froman, représentant du commerce américain en Juillet 2014 devant le Congrès. Votée le 18 Mai 2000 par les deux chambres réunies au Congrès, sous l’administration Clinton, l’AGOA (African Growth Opportunity Act), est la loi définissant les principes du commerce entre les États-Unis et les États d’Afrique Subsaharienne.Cet loi unilatérale et non-réciproque, ne concerne que les importations américaines, et permet aujourd’hui aux pays d’Afrique subsaharienne d’exporter près de 60000 produits exemptés de frais de douane.
Il s’agit d’une extension des GSP ( Generalized System of Preferences) qui permet à 120 pays en développement d’exporter des produits en partie ou totalement exemptés de frais de douanes vers les États-Unis. Les biens importés sont des produits de l’industrie pétrolière, des produits manufacturés d’industrie, des métaux, des minerais, certaines fabrications textiles, ainsi que des biens alimentaires et agricoles. Toutes les productions africaines ne sont pas inclus dans l’accord. Celles-ci sont choisies par le Président des États Unis après concertation avec les représentants du commerce et de l’industrie américaine. Ce dernier décide également des pays éligibles aux critères de l’AGOA.
Le développement condition des échanges dans le cadre de l’AGOA
Voté dans la foulée des Objectifs du Millénaire, l’AGOA n’est pas à un simple partenariat commercial, mais se présente également comme une incitation au développement des pays les moins avancés de la région. Selon les termes de la lois américaine les pays éligibles sont considérés comme étant « bénéficiaires ». Dans sa présentation l’AGOA apparaît comme une main tendue des Etats-Unis vers l’Afrique. Ainsi pour être éligible au titre de l’AGOA les pays doivent favoriser le développement du multipartisme politique, lutter conte la corruption, réduire le travail des enfants, ou encore adhérer à l’économie de marché. Par ailleurs les États bénéficiaires de l’accord ne doivent pas entraver au commerce et/ou aux investissements américains sur leur territoire. Aujourd’hui, 39 pays, sont éligibles aux critères de l’AGOA.
Reconduit à quatre reprises avant 2015, dans le but d’élargir le partenariat à plus de pays et d’y inclure plus de produits, la durée de l’accord restait un point de friction entre les deux parties, notamment pour nombre d’observateurs sur le continent. Initialement voté jusqu’en 2008, l’accord avait été reconduit de sept ans en 2004. Le 30 septembre 2015, à la suite de la quatorzième conférence de l’AGOA qui s’était tenue en Août de la même année à Libreville, le Président Barack Obama a prolongé le partenariat pour dix années supplémentaires. Ce point était décisif car il permet de rassurer les investisseurs déjà présents et d’attirer ceux qui doutaient de la prolongation de l’accord. Cette nouvelle permettra sans doute d’ouvrir l’accord à plus de produits et ainsi d’accroître le commerce entre les deux continents, en baisse depuis 2011.
En effet entre 2002 et 2008 on notait un accroissement des exportations africaines, atteignant un pic en 2008 de 82 milliards de dollars. En 2009 les exportations étaient retombées en dessous des 50 milliards de dollars. De 2010 à 2011 on constatait à nouveau une augmentation de ces dernières passant de 62 milliards de dollars à 71 milliards. Depuis les importations américaines en provenance des pays bénéficiaires de l’AGOA ne cessent de baisser, atteignant en 2015 19 milliards de dollars, soit deux milliards de plus que les exportations américaines vers le Continent.
L’AGOA une loi pour le développement de l’Afrique, qui ne profite vraiment qu’à quelques États sur le Continent
Aujourd’hui si l’AGOA a été élargie à 6000 produits et 39 États, il s’avère que les hydrocarbures représentent 69% des importations, et que les principaux bénéficiaires de l’accord sont les pays les plus riches en énergie du continent. Le Nigéria, l’Angola et l’Afrique du Sud sont les trois principaux bénéficiaires, suivis par le Tchad et le Kenya. En 2012 les importations au titre de l’AGOA représentaient 49.7 milliard de dollars. Sur ces 49.7 milliards de dollars, un peu plus de 19,1 milliard provenaient du Nigéria, 9.8 milliards de dollars de l’Angola et environ 8.7 milliards de dollars d’Afrique du Sud. La nature des produits éligibles au titre de l’AGOA favorise le commerce de certains pays avec les États-Unis. Ainsi les trois pays cités précédemment voient 75% de leurs exportations exemptées de frais de douane.
A contrario certains pays voient leurs échanges être déficitaires dans le cadre de l’AGOA. En effet en 2012 au Bénin les importations de produits américains représentaient 575 millions de dollars alors que les exportations de produit à destination des Etat-Unis représentaient moins de 3 millions de dollars . En effet ce pays d’Afrique de l’Ouest étant dépourvu de richesses énergétiques et minières est désavantagé du fait de la nature même des produits éligibles au titre de l’AGOA. L’éligibilité des produits textiles, instaurée en 2007 a ainsi permis d’accroître les exportations de petits pays comme de Lesotho, qui est l’un des premiers exportateurs de textile à destination des États-Unis, mais pour beaucoup de pays l’AGOA n’a été profitable qu’ au titre de l’assistance technique. Bien que l’AGOA soit l’échange le plus avantageux engagé entre les États-Unis est une autre région du monde, il semble que le contenu de l’accord ne soit favorable qu’à quelques pays d’Afrique subsaharienne.
Du poulet américain sur les marchés africains?
Si aujourd’hui l’AGOA est censé favoriser les exportations de produits africains, le but à terme pour les États-Unis est de se positionner sur les marchés africains. Le cas de la volaille américaine introduite en Afrique du Sud au second semestre de l’année 2016 en est l’exemple. En Mars 2016, Pretoria a mis fin à un contentieux vieux d’une quinzaine d’années, en acceptant l’importation de près de 60 000 tonnes de viandes américaines par an. En effet Washington menaçait d’exclure l’Afrique du Sud des accords au motif de l’entrave au commerce avec les États-Unis. Les autorités sud africaines, notamment au travers de la SAPA (South African Poultry Association) mettaient en avant la concurrence déloyale que représentait la viande américaine subventionnée.
En effet le prix de la viande américaine étant moins cher, elle représente un risque pour les emplois de la filière sud africaine. Kevin Lovell le directeur de la SAPA affirmait que « chaque dix milles tonnes de viandes importées représentaient 1000 emplois de perdus ». Si la nature de ces chiffres n’est pas vérifiable il s’avère que cette introduction représente une menace pour les emplois de la filière en Afrique du Sud. Au-delà des accusations de dumping commerciale, Pretoria évoquait les risques sanitaires que représentaient l’importation de viandes américaines. Les autorités sud-africaine mettant en cause l’épidémie de salmonelle qui avait touché le marché américain au cours de l’année 2015. Dans ce bras de fer opposant les deux pays, Pretoria a du céder. Rob Davies, ministre Sud-Africain du commerce et de l’industrie expliquait qu’il s’agissait du prix à payer pour pouvoir garder accès au marché américain.
L’AGOA est une opportunité pour les pays d’Afrique subsaharienne car il est l’accord le plus avantageux engagé par les États-Unis avec une autre région du monde. Cependant le commerce entre les deux continents ne représente que 1% du total des échanges des États-Unis avec le reste du monde. La nature même des produits éligibles au titre du partenariat, pose question dans une région où l’économie de beaucoup de pays est basé sur l’agriculture . Or les principaux bénéficiaires de l’AGOA, sont les pays riches en hydrocarbure comme le Nigéria et l’Angola. Seule l’Afrique du Sud a saisi l’opportunité de l’AGOA pour augmenter et diversifier son commerce avec les États-Unis. Quelques pays comme le Kenya ou le Lesotho ont su profiter de l’extension des produits éligibles .
Si l’accord est présenté comme une opportunité pour les pays d’Afrique Subsaharienne, il l’est également pour l’économie américaine, qui souhaite investir comme les autres puissances mondiale les marchés africains.
Bien qu’il soit le partenariat le plus avantageux engagé par les États-Unis avec une autre région du monde, il s’avère aujourd’hui que l’AGOA ne profite v qu’a peu de pays d’Afrique subsaharienne, et que les U.S.A peine toujours à rattraper leur retard sur le continent.
FLAGBE Steeve
Sources:Chiffres du commerce entre les États-Unis et les pays éligibles au titre de l’AGOA entre 2000-2015, agoa.info
John Njiraini, AGOA les dilemme des échanges commerciaux, Africa Renouveau, Décembre 2014
Fin24, « This is what US chicken look like when it come to SA », Avril 2016
RFI, « L’Afrique du sud évite l’exclusion de l’AGOA », http://www.rfi.fr, Mars 2016
Un avis sur « L’African Growth Opportunity Act (AGOA), une réelle opportunité ? »