La Corne de l’Afrique réunit en son sein l’Érythrée, l’Éthiopie, Djibouti et la Somalie. C’est une région où coexistent des réalités différentes et qui abrite des dynamiques complexes. Depuis la fin des années 2010, la zone est particulièrement instable et secouée par diverses crises politiques impliquant un ou plusieurs pays. Dans ce contexte, comment la coopération régionale se poursuit-elle ?
La Corne : un espace sous haute-tension
Une guerre civile éthiopienne aux conséquences colossales
Deuxième État le plus peuplé du continent africain et pays hôte du siège de l’Union africaine, l’Éthiopie connaît depuis début novembre 2020 un conflit qui s’est mué en guerre civile. Les racines ethniques et politiques sont indéniables.
Le Front démocratique révolutionnaire du peuple éthiopien (EPRDF), coalition de quatre partis ethniques dirigée par Meles Zenawi, prend le pouvoir en 1991 après le renversement populaire du régime autoritaire de Mengistu Hailé Mariam. Cette jeune coalition entend favoriser la représentation des diverses ethnies dans la sphère politique. Cependant, très vite, les membres du Front de libération du Peuple du Tigré (TPLF) monopolisent le pouvoir en occupant une grande majorité des postes à responsabilités. De plus, l’homme fort du pays, Meles Zenawi, est originaire du Tigré et membre du TPLF. Ce parti, dont l’ethnie ne représente que 6% de la population, domine donc la politique éthiopienne et exerce une forte influence au sein de la coalition EPRDF. Vingt années durant, Meles Zenawi et le TPLF participent à la croissance économique du pays, mais cela se fait sur fond de réduction des libertés et de corruption grandissante.
Cette mainmise tigréenne, aussi bien sur plan politique qu’économique, crée des frustrations dans les autres régions. Cela se traduit par des manifestations antigouvernementales menées par les Oromos et les Amharas, qui représentent respectivement 35% et 25% de la population. Le plus souvent pacifistes, ces manifestations sont pourtant réprimées de manière violente par le successeur de Zenawi : Haile Mariam Desalegn, lui aussi membre du TPLF. Malgré tout, ce dernier doit démissionner en 2018. La coalition EPRDF désigne à sa suite Abiy Ahmed, un Oromo qui n’est pas affilié au TPLF. Cette nomination marque une perte d’influence fédérale du parti tigréen.
Le nouveau Premier ministre veut marginaliser le TPLF. Pour ce faire, il destitue des hauts fonctionnaires ralliés au parti tigréen et certains sont arrêtés ou jugés pour corruption. En outre, il démantèle des structures de pouvoir dominées par le TPLF, avec notamment en décembre 2019, la dissolution de la coalition EPRDF dominée depuis sa création par le parti tigréen. Abiy Ahmed fonde dans la foulée le Prosperity Party, issu de la fusion de trois partis du EPRDF et de cinq autres plus petits. Ce Prosperity Party permet de rétablir une structure unitaire indépendante des groupes ethniques. Le TPLF, qui refuse de s’y rallier, entre alors dans l’opposition.
Le 31 mars 2020 un report sine die des élections fédérales pour cause de crise sanitaire est annoncé. Le 10 juin 2020, l’extension jusqu’à une date indéterminée du mandat d’Abiy Ahmed et des députés est déclarée. Ces deux décisions provoquent critiques et inquiétudes dans les grands groupes d’opposition dont le TPLF fait partie. Refusant cette extension et bravant l’interdiction fédérale, le TPLF organise des élections législatives le 9 septembre 2020. Ces dernières sont considérées comme illégales par le Premier ministre, qui n’est lui-même plus reconnu par le parti tigréen. Dès lors, la situation s’envenime : les financements fédéraux de la région du Tigré sont suspendus, le TPLF empêche la prise de fonction d’un haut fonctionnaire fédéral, un état d’urgence est déclaré dans le région. Lorsque des groupes armés affiliés au TPLF attaquent des bases militaires fédérales à Dansha et Mekele, Abiy Ahmed pour qui,« le dernier stade de la ligne rouge a été franchi », ordonne l’envoie de troupes militaires fédérales pour rétablir l’État de droit.
Les combats se poursuivent ainsi jusqu’en janvier 2022. Notons qu’ une crise humanitaire de grande ampleur, directement liée à cette guerre civile, s’ajoute à l’impasse politique que connaît l’Éthiopie. Pour cause, en septembre 2021, le Haut-commissariat pour les réfugiés (UNHCR) recensait 2.46 millions de déplacés internes, notamment dans les régions Afar, Amhara et au Tigré bien sûr. Ce sont autant de personnes dont les conditions de vie et de sécurité sont fortement menacées.
La transition démocratique somalienne mise à mal
En Somalie, des luttes intestines entre les élites politiques témoignent d’un manque de consensus qui a longtemps ralenti le processus démocratique. Encore aujourd’hui, des crispations menacent les efforts menés depuis une dizaine d’années.
Après un premier report décidé en juin 2020, le Gouvernement fédéral somalien et les federal member States conviennent le 17 septembre 2020 de l’adoption d’un suffrage indirect pour les prochains scrutins. Même si certaines problématiques persistent, cet accord rassure les acteurs locaux et internationaux. Comme mentionné, la Somalie est en pleine transition démocratique et les questions électorales sont tout autant épineuses que primordiales.
Cependant, le 12 avril 2021, la Chambre basse du Parlement fédéral annonce qu’elle prolonge son propre mandat et celui du Président Mohamed Abdullahi Mohamed (dit, « Farmaajo ») pour une durée de deux ans. Cela fait suite à des désaccords entre le gouvernement central et certains federal member States qui paralyseraient la mise en œuvre de l’Accord électoral approuvé en septembre. L’opposition somalienne fait savoir que cette manœuvre est anticonstitutionnelle. Le 25 avril 2021, des affrontements éclatent entre l’armée fédérale et des troupes dirigées par des officiers soutenant l’opposition à divers endroits dans Mogadiscio. Il est nécessaire de noter que ces combats sont aussi menés sur fond de rivalités claniques. Des discussions se tiennent assez rapidement entre le gouvernement et la société civile, mais la situation reste tendue dans la capitale somalienne.
Le 27 mai 2021, le Premier ministre Roble (à qui le Président Farmaajo a confié l’organisation des élections en guise de bonne foi) déclare qu’un accord a été signé entre le gouvernement fédéral et les présidents des federal member States pour poursuivre le processus électoral. Ce n’est que le 11 novembre 2021 que sont conclues les élections de la Chambre haute (sauf dans la région de Galmudug). Cette avancée est saluée par les partenaires régionaux et internationaux, d’autant plus que le comité électoral annonce au même moment que les élections de la Chambre basse seront terminées au 24 décembre.
Cependant, la possibilité d’achever le processus électoral avant la fin de l’année 2021 s’éloigne lorsque plusieurs groupes de l’opposition soupçonnent une manipulation des résultats et des pratiques non démocratiques. À tout cela s’ajoute la pression générée par les attaques terroristes d’Al-Shabaab dont la récurrence augmente en novembre. Il y a là une volonté de perturber la transition démocratique, et il est évident que ce groupe terroriste profite des désaccords politiques pour continuer à déstabiliser la Somalie.
Le 27 décembre 2021, le Président suspend le Premier ministre Roble de ses fonctions pour potentielle corruption. Cette décision interfère avec la tenue des élections déjà mainte fois ralentie, et ravive des tensions qui ne sont pas nouvelles entre Farmaajo et son chef de gouvernement. Les deux protagonistes se sont ensuite mutuellement reprochés de saboter les élections. Encore une fois, la Somalie se trouve dans une impasse électorale qui menace grandement la stabilité du pays.
Après trois jours de consultations entre les membres de l’opposition, la société civile, les partenaires internationaux et le gouvernement, le Premier ministre a finalement annoncé que les élections de la House of the People (Chambre basse) seraient terminées d’ici le 25 février 2022. Il s’agit d’une énième échéance, et les parties prenantes espèrent qu’elle sera tenue.
Une coopération régionale qui peine à assurer toutes ses fonctions
Des institutions régionales reconnues, mais à l’influence limitée
Dans ce contexte instable, causé entre autres par les crises politiques évoquées plus haut, les répercussions régionales sont réelles. Cependant, les diverses institutions auxquelles les pays de la Corne de l’Afrique (CA) sont affiliés ne semblent pas toujours à même de gérer, ou d’accompagner leurs États membres et les populations de manière immédiate et efficace.
L’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) est une des organisations les plus actives de la région. Sur son site internet, il est rappelé que sa mission est de « promouvoir la coopération et l’intégration régionales afin d’apporter une plus value aux efforts déployés par les États membres pour instaurer la paix, la sécurité et la prospérité ». Bien qu’attrayantes, ces phrases de présentation n’ont pas été d’une grande utilité durant les mois qui viennent de s’écouler.
Certes, des programmes sont lancés mais il semble souvent que l’IGAD n’aille pas au bout de sa démarche. Ainsi, au cours des années 2020-2021, la division peace and security ne se prononce que très peu sur le fond des événements politiques qui secouent la CA. Si elle le fait, c’est par des communiqués de presse peu engageants. Seulement deux déclarations communes sont faites à environ un mois d’intervalle le 10 avril et le 20 mai 2021, exclusivement sur la situation en Somalie.
L’IGAD peut pourtant porter l’impulsion d’une coordination régionale efficace. Toutefois, elle apparaît la plupart du temps comme circonscrite et stupéfaite. Elle ne prend pas assez ses responsabilités d’intermédiaire face à des risques transnationaux toujours plus pressants et contre lesquels elle est pourtant censée agir. Le côté instable et imprévisible qui caractérise la Corne est peut être un début d’explication, mais certainement pas une excuse. S’il s’agit de ne pas froisser ses États membres, alors l’IGAD doit revoir sa manière d’aborder les crises qui se présentent à elle. L’organisation intergouvernementale est, bien entendu, consciente des risques et des enjeux, mais sa capacité d’action n’est toujours pas satisfaisante. Hélas, cela se fait au détriment des populations directement affectées par l’instabilité politique et sécuritaire de la région.
Ce ne sont pourtant pas les occasions qui manquent puisque l’IGAD tient régulièrement des sommets, des conseils, des réunions de chefs d’État et de gouvernement ou de ministres, pendant lesquels divers sujets sont abordés. En effet, la CA et ses acteurs doivent également gérer d’autres crises régionales. On pense à la crise sanitaire due au Covid, à la sécheresse qui fragilise d’ores et déjà certaines communautés, aux attaques et menaces terroristes, ou encore aux invasions récurrentes de criquets pèlerins qui détruisent les récoltes. L’IGAD gagnerait à s’exprimer plus clairement et plus rapidement quand il s’agit de tensions politiques, car les initiatives et les projets qu’elle porte dans l’agriculture, l’économie, le développement social ou la médiation pour la paix nécessitent de la stabilité pour être pérennes. Une coopération régionale pertinente doit donc être multisectorielle et se faire sur plusieurs fronts.
La réaction du Marché commun de l’Afrique orientale et australe (COMESA), une autre institution régionale davantage portée sur la coopération économique, va dans ce sens. Dans un communiqué du 23 novembre 2021, les chefs d’États et de gouvernement membres du COMESA font des déclarations à propos des tensions dans la Corne de l’Afrique. Bien que l’objectif principal de l’organisation soit une meilleure intégration économique régionale, ces leaders savent qu’il est difficile d’avoir l’un sans l’autre. Ils en appellent donc aux pays concernés pour rétablir le dialogue et mettre fin aux tensions.
Un risque de débordement des conflits
La Corne de l’Afrique (CA) est une région aux dynamiques complexes et dont la stabilité fluctue. Tout conflit peut rapidement présenter des ramifications régionales plus ou moins gérables.
D’un point de vue économique, Djibouti fait partie des voisins qui pâtissent sérieusement du conflit au Tigré. Ce petit pays dont l’accès à la mer est un atout indéniable, commerçait avec l’Éthiopie. Mais depuis le début du conflit, le corridor qui est normalement utilisé pour acheminer les marchandises éthiopiennes depuis les ports djiboutiens est menacé, voire bloqué. Une situation qui ne convient pas à Djibouti puisque l’import-export éthiopien représente d’importantes recettes. Cette interdépendance économique peut expliquer le soutien immédiat d’Ismaël Omar Guelleh, président djiboutien, à Abiy Ahmed au début du conflit.
Les crises multiples de la CA ravivent également des tensions frontalières, particulièrement entre l’Éthiopie et le Soudan. Ce dernier est déjà malgré lui impliqué dans le conflit éthiopien car il reçoit des milliers de réfugiés venus de l’Éthiopie. Dès le début des affrontements, le Soudan a ouvert des camps et s’est dit prêt à accueillir 20 000 réfugiés. Quelques semaines après, 36 000 personnes avaient déjà franchi la rivière Tekezé, selon le Haut-commissariat pour les réfugiés (UNHCR). Un afflux massif qui en dit long sur le climat délétère, et qui ne fait que croître puisqu’en décembre 2021 plus de 50 000 réfugiés éthiopiens étaient recensés à l’Est du Soudan. Toutefois, c’est plus au sud que les tensions territoriales sont les plus inquiétantes. Le Soudan et l’Éthiopie se disputent depuis plus d’un siècle, le triangle d’El-Fashaga, une zone convoitée pour la fertilité des ses sols. En décembre 2020 des affrontements ont lieu entre l’armée soudanaise et des miliciens associés au gouvernement fédéral éthiopien suite à l’expulsion d’agriculteurs éthiopiens. Ceux-ci étaient installés sur les terres cultivables soudanaises et ont été sommés de passer du côté éthiopien. Une décision unilatérale qui n’a donc pas plû à Abiy Ahmed. Plusieurs observateurs de la CA estiment que ces tensions frontalières peuvent dégénérer en conflit armé, et qu’il faut parer à cette éventualité. Les relations diplomatiques très tendues entre Khartoum et Addis-Abeba ne laissent rien présager de bon.
Les diverses mesures prises par le Kenya depuis la recrudescence des tensions dans la CA montrent comment les relations bilatérales, et plus largement la coopération régionale, peuvent être affectées. La sécurité a notamment été renforcée à la frontière nord partagée avec l’Éthiopie, car le Kenya craint l’entrée illégale de ressortissants éthiopiens. Le gouvernement kenyan demande également la fermeture ou la relocalisation de camps de réfugiés proches des frontières avec l’Éthiopie (Kakuma Camp), mais aussi la Somalie (Dabaab Camp). Ce n’est qu’en novembre 2021, que le gouvernement kenyan revient sur ses positions et accepte la rénovation de Kakuma Camp après une médiation de l’UNHCR.
Si on se penche maintenant sur l’Érythrée, on remarque qu’elle a une responsabilité toute particulière dans la situation actuelle de la CA. En 2019, le rapprochement de l’Éthiopie et l’Érythrée après une guerre meurtrière de 1998 à 2000, et l’absence de relations diplomatiques, rebat certaines cartes. De fait, cela signifie que l’Érythrée qui était jusque-là assez isolée dans la région, s’ouvre davantage vers l’extérieur. Toutefois, l’impact de cette ouverture n’est pas positif à l’heure actuelle. D’une part, il faut recalibrer la place érythréenne dans un échiquier régional d’ores et déjà instable. D’autre part, il faut découvrir au fil de l’eau les intentions du Président érythréen Issayas Afeworki.
Du reste, l’implication érythréenne dans le conflit au Tigré à attiser un feu qui était déjà lancé. D’abord démentie, la participation de l’Erythrée au conflit tigréen est finalement reconnue par Abiy Ahmed. Le Premier Ministre s’est arrangé pour que les troupes érythréennes attaquent les Forces de défense du Tigré par le front nord, pendant que l’armée fédérale pressait le front sud. L’entrée officieuse de l’Érythrée dans ce conflit a enclenché un processus redoutable de régionalisation des tensions. Sans compter que Afeworki pourrait tirer parti d’une déstabilisation de l’État fédéral éthiopien, entre potentielles revendications territoriales et nouvelle domination au sein de la Corne de l’Afrique.
Une instabilité dont les conséquences se font sentir à l’échelle internationale
Quelles réactions chez les bailleurs internationaux?
L’Union africaine est initialement très effacée, certainement parce que son siège permanent d’organisation intergouvernementale se trouve à Addis-Abeba. Le 23 novembre 2020, elle est tout de même la première organisation internationale à avoir mandaté des médiateurs. C’est une décision d’autant plus symbolique qu’en février 2020, son 33ème sommet des chefs d’État et de gouvernement avait pour thème « Faire taire les armes en Afrique ». L’enjeu est bien de rétablir un dialogue et de nouer de nouvelles coopérations entre tous les acteurs du conflit. Mais cette médiation menée par l’Union africaine n’a pas abouti assez rapidement, et d’autres partenaires internationaux se sont joints aux efforts d’arbitrage.
Étant donné que la majorité des États de la Corne de l’Afrique (CA) ont besoin des investissements étrangers pour soutenir leurs économies ou pour maintenir leurs institutions à flots, la réaction qui revient le plus souvent chez les acteurs internationaux est la crainte sensée que les conflits s’étendent dans l’espace, et dans le temps. Mais il n’y a pas de consensus sur la manière d’agir.
Pour preuve, en mars 2021, les membres du conseil de sécurité ne parviennent pas à se mettre d’accord sur l’adoption d’une déclaration du Conseil de sécurité de l’ONU à propos de la guerre civile en Éthiopie. Il s’agissait de demander d’ouvrir le corridor humanitaire vers le Tigré et de cesser les violences. Sans grande surprise, ce sont la Chine puis la Russie qui ont refusé de réclamer « la fin des violences au Tigré » considérant que ce conflit est une affaire interne. Malgré plusieurs jours de négociations, l’entièreté du texte est donc abandonnée.
Pour autant, plusieurs partenaires internationaux font le choix de nommer des envoyés spéciaux pour la Corne. Annette Weber pour l’Union européenne, David Satterfield pour les États-Unis et Frédéric Clavier pour la France. Tous les postes ne sont pas créés ad hoc, mais les missions sont les mêmes : suivre les développements des divers conflits, initier des pourparlers et encourager le processus de paix.
Malgré ces efforts intéressés des acteurs occidentaux qui ont investi beaucoup d’argent dans les transitions démocratiques ou encore les projets de coopération internationale, l’instabilité perdure. En décembre 2021, les ressortissants américains et britanniques sont appelés à quitter l’Éthiopie lorsque les forces armées proches de l’alliance anti-gouvernementale se trouvent à 400 km d’Addis-Abeba, la capitale.
Une implication grandissante des acteurs orientaux
Enfin, les multiples tensions et l’instabilité qu’elles provoquent ont laissé un vide qui est rempli par des acteurs que l’on voyait peu dans la Corne de l’Afrique jusqu’alors. Ces dix dernières années marquent une intensification des relations diplomatiques, aussi bien économiques que politiques, entre les pays de la Corne et certains pays du Moyen-Orient.
À titre d’exemple, les Émirats Arabes Unis lancent une mission de médiation entre le Soudan et l’Éthiopie en mars 2021. Pour les Émiratis, il s’agit d’étendre leur influence régionale et de montrer qu’ils sont des partenaires de choix, avec lesquels il faut compter.
On peut tout aussi bien évoquer le rôle de la Turquie qui aurait vendu des drones de combats à l’Éthiopie en 2021. Erdogan pallie les besoins en matériel militaire du Premier ministre Abiy Ahmed et soigne par la même son entrée sur le continent africain. Le gouvernement éthiopien se serait également procuré des armes chinoises et iraniennes. On ne peut s’empêcher de penser que ces pays ont un intérêt, à court et moyen terme, de voir ce climat néfaste perdurer dans la région.
Ce que l’on appellera le « réflexe régional » commence à se créer dans la Corne de l’Afrique. Néanmoins, les évolutions dans la région sont quasiment hebdomadaires et les tensions constantes. Dans ce contexte, il est clair que la coopération régionale est rendue plus complexe car le manque de stabilité pousse chaque pays à se recentrer sur lui-même sans état d’âme. Le « réflexe régional » ne résiste donc pas encore au test de l’instabilité prolongée qui est certainement le plus laborieux.
Auteure :
Anne-Franz DOLLIN, doctorante en Sciences politiques et passionnée par la Corne de l’Afrique et ses enjeux diplomatiques.
Bibliographie :
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