Une année : 1954. Un nom : Adou Elenga. Une formule, en lingala, révolutionnairement engageante : « Ata ndele, mokili é ko balouka. » Autrement dit, qu’importe le temps que cela prendra, le monde se renversera. Ce monde que – il n’y a pas si longtemps que cela – Adou Elenga appelait à abolir, c’était celui façonné par le colon par et pour la déchéance des peuples asservis. Naïfs sont ceux qui crurent que ce renversement, cet élan de renouveau sociopolitique – musicalement annoncé par le chanteur congolais – ne devait s’opérer que dans le tournant de l’après-guerre (39-45) pour s’essouffler, connaître un recul, et s’éteindre à force de mesures réactionnaires. L’Occident a été, en effet, traversé par un vent de revendications inédites, à l’été d’une année singulière (2020), à la suite des manifestations contre le racisme, et plus précisément après l’assassinat aux USA en mai dernier de l’africain-américain de 46 ans, George Flyod. Ces manifestations ont déferlé sur plusieurs grandes villes occidentales. Les actions de déboulonnage des statues représentant des agents de l’impérialisme européen ont fait l’actualité durant tout cet été. Quand, en Afrique, on a pu observer plusieurs actions de solidarité dans différents pays.
Une telle concomitance des deux mouvements (manifestations contre le racisme et déboulonnage de statues d’impérialistes) a le mérite de révéler que le racisme est un fait qui ne s’apprécie pas isolément, indépendamment du cadre historique dont il est une des émanations. L’impérialisme, le suprémacisme et les mentalités coloniales, structurant les rapports néocoloniaux qui prévalent de nos jours entre les différents protagonistes héritiers de cette histoire, composent ce cadre. Les mobilisations contre le racisme ne peuvent être menées que dans la perspective de combattre le suprémacisme et l’impérialisme, car, sinon cela reviendrait à donner un coup d’épée dans l’eau.
Notre réflexion vise principalement à rappeler l’antériorité des mobilisations africaines, en ce qui concerne l’exigence de poursuivre la décolonisation panafricaniste dans les villes encore trop (honteusement) marquées par la symbolique coloniale. Cette poursuite de la décolonisation est identifiée à la lutte pour le déboulonnage des statues des personnages coloniaux et impérialistes. L’antériorité de ces luttes dans le cadre des sociétés africaines n’est pas revendiquée pour elle-même, mais dans la perspective d’affirmer l’efficacité du discours panafricaniste en ce début du XXIème siècle. Nous nous intéresserons par conséquent à deux territoires africains : le Cameroun et le Sénégal, qui sont exemplaires comme espaces soumis à la charge symbolique colonialo-suprémaciste. Mais où en même temps est manifeste aussi l’engagement de certaines âmes, irréversiblement acquises à la dignité éternelle de peuples oppressés mais vaillants. Avant cela, nous essaierons de proposer une lecture de l’accueil fait en France à la vague de revendications appelant au déboulonnage des statues érigées à la mémoire de figures coloniales pour les uns et de héros nationaux pour d’autres.
A. D’un masquage à un autre : ce dont les appels au déboulonnage sont le symptôme.
Comment l’Etat français a-t-il accueilli les manifestations contre le racisme de l’été 2020 à travers l’Europe, ainsi qu’en France même ? Avant de répondre à cette question, il faut remarquer d’abord un élément d’importance : il est relatif au fait que, en rapport avec les usages sanitaires liés à la lutte contre le Covid-19 et auxquels des centaines de millions populations à travers le monde ont dû se soumettre, jamais sans doute autant de personnes ont dû se résoudre à se masquer le visage dans leur quotidien durant une période aussi longue. C’est dans ces circonstances que se sont déroulées les manifestations contre le racisme et les violences policières en juin 2020. Ce qui est très significatif pour la perspective dans laquelle nous souhaitons construire notre propos. Nous voulons, relativement au sujet de cet article – comment comprendre les actions et appels au déboulonnage des monuments à la gloire des impérialistes –, proposer une lecture de ce masquage tous azimuts, autre que celle s’imposant immédiatement, relative à des précautions sanitaires pour protéger les populations.
La réponse à la première question est en fait connue de tous : nous avons en effet entendu le discours du Président de la République française au lendemain des manifestations de début juin 2020, déclaration du 14 juin 2020. Le propos qui concernait précisément ces manifestations est énoncé à partir des 13 minutes et 30 secondes : au nom de l’unité et du patriotisme républicains, du « sens de l’histoire » de la France, le Président dénonçait – avec fermeté – le « communautarisme, la réécriture haineuse ou fausse du passé », il s’érigeait avec gravité en garant de la sécurité de la République de France contre « les séparatismes » et ajoutait que « la République n’effacera aucune trace ni aucun nom de son histoire, etc. » Effacer, c’est bien la conjugaison de ce verbe au cours de l’Histoire qui nous intéresse parce qu’elle est la clé pour comprendre la portée des manifestations de l’été 2020 contre le racisme et les violences policières. C’est-à-dire pour parler en termes précis, contre l’impérialisme et les rapports de colonialité qui traversent aujourd’hui toujours la société française et les relations de l’Etat français avec certains pays.
Paradoxalement, alors que l’on affirme n’entendre aucunement en effacer la moindre virgule, l’Histoire des rapports de la France ou de l’Occident avec les territoires qui ont – à travers le monde – subi l’impérialisme européen, est cousue d’effacement et de masquage. La tyrannie (néo)coloniale est d’essence masquée parce qu’elle s’efforce, à partir d’ingénieuses et constantes opérations d’effacement, de se présenter comme amicale, sympathique, civilisante. Aimé Césaire[2] feignait de se demander « colonisation et civilisation ? » Car, « qu’est ce qu’en son principe la colonisation ? » La réponse de Césaire laisse entendre naturellement qu’en son principe la colonisation et l’impérialisme occidental ne sauraient se prévaloir d’une quelque vocation civilisationnelle. Mais, comment se manifeste concrètement cette civilisation, dont la colonisation aurait été pourvoyeuse à l’endroit des peuples réveillés de leurs millénaire inertie ?
Le Discours sur le colonialisme de Césaire est assez limpide sur ce sujet. Mais nous pouvons aussi renvoyer à Marguerite Duras. La description que fait l’auteure d’Un barrage contre le pacifique a ceci d’intéressant qu’elle met en scène précisément ce jeu de l’impérialisme avec lui-même. Malgré le « bordel colossal [qu’est] la colonie »[3] la colonisation (ou le néocolonialisme) s’efforce toujours de ne pas laisser apparaître sa « face coloniale »[4], celle du « grand vampirisme »[5] de se départir de sa vocation déshumanisante. On sait que les français furent choqués par le propos de l’écrivaine à la sortie de son roman en 1950. Ils avaient été accoutumés à la propagande coloniale : la vocation civilisationnelle de la colonisation est d’inculquer, aux peuples ainsi accueillis sous sa protection bienveillante, le sens du travail et de la dignité humaine – en les faisant « sortir de leur passivité »[6], de leur « torpeur millénaire »[7]
Cette évidence d’humanité, les français n’entendaient pas en remettre en cause la pertinence en 1950. Lorsqu’en 2020, on met dans le panier du « séparatisme » et de la « réécriture haineuse de l’histoire » le fait que des jeunes – sans distinction de race et se reconnaissant dans un certain nombre de codes culturels communs –, sortent dans les rues pour protester contre l’injustice qu’est le racisme, cela revient à affirmer que l’esprit des années 1950 est encore très prégnant aujourd’hui au sein d’une certaine frange de la société française. Celle notamment au cœur de l’appareil d’Etat. Dans le roman de Duras, c’est « La Mère » qui, enthousiaste et accrochée à des évidences, incarne tragiquement la puissance colonisatrice, salvatrice des peuples. C’est cet effacement qui est en cause dans les manifestations de l’été 2020 contre les violences policières et le racisme.
C’est ce masquage que les foules dehors interrogent : comment se fait-il qu’un pays qui crie sur le toit du monde son droit-de-lhomisme est aussi championne du monde des injustices qui touchent à la vie et à la dignité humaine (Adama Traore, Théodore Luhaka, Michel Zecler, pour ne citer que ceux-là) ? Balayant tout effort de reconnaissance du problème par des échappatoires si peu subtils ! Le roman de Duras[8], qui sort en pleine guerre européenne en Indochine, avait la même portée de désillusion que la sortie des foules dans la rue après l’assassinat de George Flyod en mai 2020. Affirmer que « la France ce n’est pas les USA », c’est répondre à ce premier masquage là par un autre effacement. Prétendre qu’un Etat du « monde [dit] libre » et au passé colonial aurait tourné la page de l’impérialisme – ce « crime contre l’humanité » – simplement parce que son chef (Président, Premier ministre, etc) serait né(e) après la colonisation, cela revient aussi à effacer l’histoire déjà cousue d’effacements.
Parler de « sentiments anti-français » quand la jeunesse africaine entend conquérir la souveraineté de son continent encore prisonnière des griffes du grand capitalisme et du néocolonialisme, c’est faire porter un masque à l’Histoire. Un masque de duperie. Les statues que les foules de l’été 2020 demandaient à déboulonner ont été érigées au-dessus de fondations faites de masquage et d’effacements. Il faut faire la part des choses entre l’enthousiasme qui, en France, pousseraient les foules lors de manifestations à demander le déboulonnage par exemple des statues de De Gaule[9] et le sens plus consistant d’une telle revendication. Les appels au déboulonnage sont des appels à démasquer, à déconfiner l’histoire.
B. L’antériorité des mobilisations africaines pour le déboulonnage des symboles coloniaux.
Certes, encore faudrait-il avoir affaire à un idéal en tant que tel et non à de purs fantasmes, mais il est certain que les lieux où naissent et d’où se diffusent des aspirations, un idéal, des mouvements sont des espaces chargés de « ngolo » – pour parler en langue Kongo comme Césaire. Lorsque nous nous proposons de traiter de l’antériorité des mobilisations africaines pour le déboulonnage des symboles coloniaux et la poursuite de la décolonisation de nos espaces de vies en Afrique, il s’agit de circonscrire le « ngolo » autrement dit l’efficace des luttes panafricanistes en ce début de XXIème siècle. Puisque ces revendications s’inscrivent dans ces luttes – centenaires. L’antériorité est fonction de ngolo ou d’efficacité, dans la mesure où c’est à partir de là où il naît qu’un mouvement se diffuse. Diffusion portée donc par les énergies originelles se comprenant en termes de convictions et de foi qui sont le socle de ces revendications accueillies sympathiquement ailleurs dans le monde.
- Cameroun : Terre de ngolo panafricaniste.

Le territoire d’Afrique centrale que l’on appelle « Cameroun » est un pays de peuples dignes et fiers[10]. Des cultures riches et anciennes sont la marque de la grandeur des femmes et des hommes de ce pays. Richesse culturelle qui s’exprime dans des habitudes culinaires variées, des pratiques architecturales et sculpturales fascinantes. Cette fierté s’est aussi manifestée dans l’engagement historique des populations de ce pays, autour de l’Union des Populations du Cameroun (UPC), engagement qui s’est traduit par une lutte armée contre la puissance impérialiste française de 1955 jusque dans les années 1970. Richesse culturelle et fierté historique que l’on savourera en écoutant l’excellent album « 1958 » du chanteur Blick Bassy.
Cette lutte de l’UPC a une postérité qui la poursuit sur le terrain symbolique et non moins engageant. L’une des figures de cette postérité engagée est André Blaise Essama. L’engagement de monsieur Essama date du début du XXIème siècle. Il consiste à sensibiliser ses concitoyens sur les problématiques historiques du Cameroun, en déboulonnant les statues de héros coloniaux. En 2003 déjà, il ébranlait pour la première fois celle du général Leclerc, héros français de la Seconde guerre mondiale (1939-1945). Un monument de l’impérialiste allemand Gustav Nachtigal a également déjà reçu la visite de monsieur Essama. Considérées par les ‘’autorités’’ camerounaises comme relevant du simple vandalisme[11], les actions de ce militant l’ont souvent conduit en prison – quand il n’est pas obligé de payer des amendes.
Aussi bien, « chaque fois qu’il a endommagé la statue du Général Leclerc sur la place principale de Douala, les autorités l’ont restaurée. »[12] Ce qui, se passant de commentaire, permet de mettre en évidence la nature du gouvernement actuel de ce pays. Il faut considérer que ce type d’action, bien que symbolique maintient vive un inconscient historique susceptible de se muer en engagement politique assumé. Ce travail militant du symbolique est aussi l’une des facettes de mobilisations plus vaste incluant les problématiques liées aux bases militaires étrangères en Afrique, la souveraineté monétaire, culturelle et économique, à la solidarité entre le continent et sa diaspora : à ce titre d’ailleurs, André Blaise Essama a pu compter sur la solidarité de certaines personnes sensibles à ses actions et à son sort afin de s’acquitter des amendes néocoloniales qui lui sont infligées en répression de son engagement anti-impérialiste.
Un tel engagement a ceci d’efficace que, en rappelant aux consciences des figures consacrées de l’histoire du Cameroun, il a vocation à fédérer au-delà des catégories impérialistes comme Cameroun anglophone ou francophone, nord ou ouest, etc. En s’identifiant aux héros véritables de ce pays, qui se sont battus pour l’unité et l’indépendance, la jeunesse du Cameroun saura se poser de bonnes questions et éviter des combats sans réelle perspective.
2. Efficacité panafricaniste au Sénégal.
Faut-il encore présenter ce grand pays qu’est le Sénégal ? Territoire qui a appartenu au fil des siècles à certains des grands royaumes et empires d’Afrique de l’ouest, le Sénégal est riche d’une culture profonde dont témoignent des éléments en tout genre à l’instar de sa littérature classique[13], ses coutumes culinaires et vestimentaires, la solidarité dans les rapports familiaux[14], etc. Le courage des peuples du Sénégal est incarné dans « l’héroïque sacrifice des femmes de Nder »[15] qui se déroula un mardi de novembre 1819. Sylvia Serbin signale, dans le récit qu’elle fait à ce sujet, qu’il n’y a plus depuis longtemps de cérémonie commémorant ce drame d’une profondeur historique intarissable ; les forces panafricanistes en présence aujourd’hui au Sénégal ont le devoir de rappeler à la mémoire de l’ensemble de cette grande et digne société cet événement, signe de la bravoure qui caractérise l’âme sénégalaise.
N’en déplaise à celles et ceux qui considèrent que le fait colonial ne doit pas être prétexte à trouver des lieux de convergence historique sur lesquels fonder l’idée d’un destin commun aux peuples africains, cette âme sénégalaise est aussi simplement africaine. Nous savons en effet que, par la médiation du massacre par la France à Tiaroye des anciens soldats communément appelés « tirailleurs sénégalais », l’identité sénégalaise est devenue par le prix du sang une dimension à part entière de l’identité elle-même des peuples africains. Puisque ce terme générique, « tirailleurs sénégalais », désigne en réalité des individus issus de nombreux pays d’Afrique et pas seulement de celui de l’illustre Cheik Anta Diop.
En ce qui concerne la problématique du déboulonnage des monuments coloniaux à la gloire de l’impérialisme, le personnage qui cristallise – à juste titre – les tensions est le tristement célèbre Louis Faidherbe dont la statue à Saint-Louis, mais aussi des avenues portant son nom comme ceux d’autres colons révoltent les âmes sénégalaises bien nées. Depuis la fin de l’année 2020, la Place Faidherbe à Saint-Louis a été en fait rebaptisée pour devenir « Baya Ndar ». Et en 2017, dans la nuit du 04 au 05 septembre, de violentes pluies – certainement envoyées par les héroïnes de Nder – ont eu raison de cette statue qui tomba de son piédestal. Mais depuis là où elles sont, les héroïnes de Nder ont sans doute pu compter sur les efforts des militants qui n’ont de cesse de faire entendre ce fait qu’une indépendance coiffée des monuments à l’honneur des forces anti-souveraineté-africaine n’est que ruine de nos peuples. Puisque, « sous les feux des critiques et de l’action d’activistes, [la mairie de Saint-Louis, qui avait réinstallée cette statue le 21 septembre 2017,] la faisait descendre officiellement pour une [french] toilette », comme le précise une source sur locale proche du dossier que nous avons contacté.
Cette revendication, cet appel à l’achèvement de la décolonisation des territoires africains acquis au néocolonialisme, en 1978 déjà l’écrivain et cinéaste Ousmane Sembène s’en faisait l’un des porte-voix. A travers une lettre ouverte adressée à Léopold Sédar Senghor, président de l’époque, Monsieur Sembène qualifiait de « provocation », de « délit », « d’atteinte à la dignité morale de notre histoire nationale que de chanter l’hymne de Lat Jor sous le socle de la statue de Faidherbe »[16] Dans le même élan, en 2011, le bloggeur Thierno Dicko rappelait que les crimes commis par Faidherbe au nom de la France rendaient injustifiable l’inscription marquée sur le piédestal de sa statue : « à son gouverneur L. Faidherbe, le Sénégal reconnaissant ».
De façon ultime, il faut considérer que la rebaptisation faite en 2020 pose problème, au-moins en tant que se comprenant comme une concession relevant de la diversion. Et les groupes de militants politiques ont tout à fait raison d’être sur leur garde. Car, en effet, l’histoire récente nous a prouvé que toute rebaptisation ne doit pas d’emblée être prise comme un pas vers la souveraineté. Le fameux maréchal Mobutu, qui a ‘’dirigé’’ le Congo Kinshasa d’une poigne néocoloniale, reste dans l’histoire comme un maître de la bouffonnerie grand spectacle avec ses rebaptisation tous azimuts… du fleuve, du peuple et de tout ce qui pouvait se prêter à ce jeu de dupe. Mais le Sénégal de ce début du XXIème n’est pas, à plusieurs égards, le Zaïre de Mokutu[17].
Conclusion :
Comme on peut le voir, la vague de revendications d’été 2020 à travers le monde pour le déboulonnage des monuments à la gloire de la colonisation et de ses acteurs s’inscrit dans une dynamique qui a son origine dans la poursuite des luttes pour la souveraineté de l’Afrique. Il est important, pour mettre en évidence l’efficacité du discours panafricaniste en ce début de XXIème, de souligner que ces revendications sont un écho de ces luttes menées sur le continent. La circulation de ces revendications a pour terrain originel certains pays africains. Or, dans ces pays la naissance de ces revendications a pour arrière-plan historique la conscience de la nécessaire poursuite des luttes panafricano-souverainistes. En ce sens donc, nous affirmons l’efficacité de la doctrine du panafricanisme, au nom de laquelle – en ce début de XXIème siècle – des mobilisations se mettent en place, des organisations sont réalisées, et qui trouve un accueil favorable auprès d’une partie considérable de la jeunesse africaine à travers le monde.
Nous avons montré ainsi que depuis les années 2000, au Cameroun et au Sénégal, les actions de déboulonnage et les revendications allant dans ce sens ont contribué à maintenir vive la flamme panafricaniste. Le pays de Winnie et Nelson Mandela, Steeve Biko, de Solomon Mahlangu, etc, a également été en 2015 le théâtre de ces actions. La statue de l’impérialiste anglais Cecil Rhodes n’a pas résisté à la pression nationaliste de groupes d’étudiants qui l’ont jeté dans la poubelle de l’histoire.
Il aurait été intéressant de considérer aussi le cas congolais. Sur la rive droite du fleuve, en effet, la capitale congolaise traîne des casseroles de la colonialité : son propre nom, un monument en mémoire de Victor Schoelcher, de De Gaulle, de Félix Eboue, du mercenaire Savorgnan de Brazza, etc. Mais nous avons fait le choix de ne pas mentionner ce pays, qui par ailleurs a une belle histoire des luttes contre le néocolonialisme, car aucune réponse structurée de la part de la jeunesse n’a pu jusqu’ici être adressée aux forces pro-impérialistes. Le monde que Adou Elenga appelait à abolir a su se perpétuer dans formes plus diffuses qui, certes, de nos jours ont révélé leur essence. Contre cette perpétuation, qui rend invivable et inhabitable nos pays si chers, il y a urgence à mettre en évidence l’efficacité du panafricanisme en tant que doctrine sur le ngolo de laquelle la jeunesse africaine continentale, insulaire et diasporique a à s’appuyer pour achever la conquête de notre souveraineté.
Article rédigé par Ani Amandla.
[1] Cet article est le premier d’une série de quatre réflexions, qui constitueront les principales articulations d’un livre à venir, sur le panafricanisme comme expérience de conscientisation historique et de maturation politique pour la jeunesse africaine du XXIème siècle. « mpe mokili mobimba » se traduit : et à travers le monde entier ; traduction du lingala (langue congolaise).
[2] Aimé Césaire, Discours sur le colonialisme, suivi de Discours sur la Négritude., Paris, Editions Présence Africaine, 1955, 2004.
[3] Duras M., p. 198.
[4] Ibid., p. 176.
[5] Ibid., p. 25.
[6] Ibid., p. 54.
[7] Ibid., p. 30.
[8] Sur la colonisation, Marguerite Duras semble n’avoir pas vraiment, par ailleurs, adopté une position radicale quant à sa vocation déshumanisante. Mais cela n’empêche pas d’apprécier à sa juste mesure certaines descriptions peignant le bordel de la colonie.
[9] C’est de la naïveté politique et du parti-pris historique de ne pas admettre qu’il est tout à fait légitime qu’une bonne frange des français puissent reconnaître en Charles De Gaulle un grand Homme et un Héros politique. Il va donc de soi évidement que cette partie de la société française ne soit pas prête aujourd’hui à comprendre qu’une autre imagine déboulonnés les monuments à sa mémoire ou à la gloire d’autres héros français. Mais, la partie jalouse de ces héros ne peut pas non plus faire la sourde oreille et balayer d’un revers de la main des revendications qui ne pourront qu’aller crescendo.
[10] Nous renvoyons, pour compléter cette lecture, à l’article de notre camarade Michelle Choupo : « Les failles de la politique mémorielle camerounaise et ses conséquence » https://amecas.wordpress.com/2020/05/18/2074/. Cet article a été publié sur le site d’AMECAS en mai 2020. Cependant, nous considérons que l’on ne peut rigoureusement parler de « failles de la politique mémorielle » que dans les circonstances où cette politique relève de l’action d’un Etat souverain dans la gestion intérieure de la société et dans ses rapports avec extérieurs avec d’autres Etats. Des failles qu’un tel Etat, conscient de sa responsabilité devant le tribunal de l’Histoire, s’engagerait à traiter en conséquence. On pourrait, par exemple, essayer de voir s’il n’y aurait pas des failles dans la politique mémorielle du Vietnam relativement aux décennies de guerre qui ont été le prix chèrement payé par le peuple de ce pays pour accéder à la souveraineté. Mais une indépendance chèrement arrachée, et qui est également une souveraineté orgueilleusement affirmée, est justement la fondation sur laquelle se construit une politique mémorielle authentique au regard de l’histoire d’un peuple.
[11] https://www.bbc.com/afrique/region-53244725
[12] Ibid.
[13] Les nouveaux contes d’Amadou Coumba sont une œuvre monumentale, avec une dimension philosophique avérée.
[14] Les diasporas sénégalaises ont la réputation de compter parmi celles qui contribuent pour une grande part aux transferts de fonds envoyés vers l’Afrique.
[15] Sylvia Serbin, Reine d’Afrique et Héroïnes de la diaspora noire., Editions Sépia, 2010.
[16] Voir l’article du Point Afrique « Sénégal : la place Faidherbe de la ville de Saint-Louis devient Mbaya Ndar », publié le 02 octobre 2020.
[17] Aimé Césaire, Une saison au Congo.