Villes africaines et développement durable ou comment valoriser le potentiel de l’espace urbain

La période d’occupation coloniale qui succède à l’arrivée des Européens sur le continent concorde avec une période de forte concentration de la population dans quelques villes qui, aujourd’hui encore, représentent des pôles économiques incontournables (ex : Lagos). Mais c’est à la suite de la Seconde Guerre mondiale que ce qui caractérise les structures urbaines actuelles va prendre forme. Depuis le milieu du XXe siècle, le continent n’a cessé de traverser de multiples phases démographiques. Néanmoins, celles-ci se caractérisent par une croissance urbaine continue. En effet, à partir des années 1990, le principal vecteur de cet étalement urbain résulte de la forte croissance démographique. Ces pressions démographiques incitent les populations locales à s’adapter et à revoir leurs modes d’organisation territoriale. 

Toutefois, la transformation urbaine est plus diverse et pluridimensionnelle qu’il n’y paraît. Sa configuration ne s’incarne pas dans une logique uniforme et régulière. Aujourd’hui, l’émergence de villes durables et résilientes dépend essentiellement du degré d’ambition des décisions politiques menées mais nécessite toutefois d’intégrer les populations aux processus d’aménagements urbains. 

Cet article tente de mettre en lumière les défis majeurs, mais différenciés, auxquels sont confrontés les pays d’Afrique face au phénomène d’urbanisation, et de mettre en exergue les leviers potentiels de valorisation des villes africaines. 

I. Dynamiques démographiques : une urbanisation récente et intense 

D’abord quelques points explicatifs sur ce qu’on entend par « ville », « agglomération », et « mégapole ». Il existe une opposition entre « ville » et « campagne », ou « ville » et « village » entretenu dans la littérature. Eza Boto dans son roman Ville cruelle, met en exergue l’attrait et les dangers de la ville africaine coloniale. Mais en filigrane c’est une réflexion sur la coexistence entre le rural et l’urbain en Afrique. La notion de ville est souvent synonyme d’urbain, alors qu’en réalité les villes sont d’abord des entités administratives. L’Égypte est le second pays d’Afrique le plus urbanisé, pourtant depuis l’indépendance du pays, le nombre de villes (médina) a très peu augmenté, car celles-ci ont d’abord une fonction administrative de chef-lieu de gouvernorat. A contrario, le Mozambique qui a développé une politique d’urbanisation d’inspiration chinoise, a créé des villes rurales pour absorber la future croissance démographique dans les campagnes. 

C’est pour cela que si l’on veut comprendre les dynamiques de l’urbanisation en Afrique, il faut également prendre en compte la notion d’agglomération, qui se définit comme un ensemble de constructions denses, qui se mesure par le nombre d’habitants par surface au sol ou par la distance qui sépare les constructions. L’agglomération répond davantage à des critères morphologiques qui sont au nombre de trois : 

● La taille minimum d’habitants définit par les autorités d’un pays 

● Un pourcentage de ménage non agricole 

● L’accès à des équipements et des services (transport, culture, éducation) 

Les grandes villes africaines qui atteignent le million sont pour la majorité des agglomérations, à l’instar de Kinshasa dont la population atteint les quatorze millions d’habitants grâce aux faubourgs alentours. Ainsi, même si tout le continent s’urbanise, il convient de prendre en compte les différentes dynamiques de ce phénomène à l’échelle continentale, de même que les différentes définitions. En effet, en fonction des seuils choisis, l’impact de l’urbanisation en Afrique est différent. Selon les études statistiques du WPU (World Urbanisation Prospect), l’Afrique compte plus de 310 agglomérations de 300 000 habitants, alors que si l’on reprend les statistiques de l’étude Africapolis, le continent compte plus de 7600 agglomérations de 10 000 habitants. Ainsi, il convient de regarder avec détail les chiffres de l’urbanisation en Afrique. 

D’autant que la population rurale représente toujours plus de la moitié de la population du continent. Cependant depuis, les années 1960 le taux d’urbanisation s’est accru de manière intense en Afrique. Entre 1960 et 2015, la population urbaine du continent est passée de 27 millions à 527 millions d’habitants. En 2015, Dakar, la capitale sénégalaise, avec une population de 3,1 millions d’habitants, compte autant d’habitants que le pays au moment de l’indépendance. En Afrique, la période des années 1950-1980 s’est caractérisée par un taux d’accroissement moyen de 5,1%. Entre 1980 et 2000, un ralentissement de la croissance urbaine de 4,4% par an a été constaté. C’est durant la période 2000-2010 qu’une nouvelle accélération de la croissance urbaine a été enregistrée sur le continent, avec un taux de croissance 4,8% par an. Si la tendance générale est favorable à l’accroissement du taux d’urbains, il apparaît que tous les espaces régionaux n’ont pas évolué au même rythme. L’étude Africapolis de l’Organisation de Coopération et de Développement Économique (OCDE) distingue six pôles d’urbanisation : 

● Le pôle Afrique du Nord, 

● Le pôle du Nil, localisé en Égypte, 

● Le pôle Afrique de l’Ouest, 

● Le pôle des Grands lacs, 

● Le pôle Éthiopien

● Le pôle Sud-Africain. 

Ainsi on peut voir sur cette carte que l’Afrique de l’Ouest et le pôle du Nil sont les principaux espaces d’urbanisation en Afrique. Le pôle ouest-africain arrive en tête avec 134 millions d’urbains, 1,2 millions de kmen superficie, ainsi qu’en nombre d’agglomérations (1700). Le pôle urbain du Nil se distingue par la densité de son réseau urbain. La distance moyenne entre les villes et les agglomérations du pôle est en moyenne de 4 km. A contrario des deux précédents pôles, il apparaît que le rythme de l’urbanisation est moins intense dans les pôles éthiopiens, et les pôles sud-africains. Cette croissance urbaine différenciée s’explique par des facteurs historiques ou économiques, comme dans le cas du Mozambique dont l’urbanisation s’amorce depuis la fin de la guerre d’indépendance, et s’accélère avec le boom économique lié à la découverte de ressources minières dans le pays. Il est vrai que l’Afrique s’urbanise, il est aussi important de s’interroger sur les modes d’urbanisation en Afrique. 

Depuis la fin de la colonisation, la principale tendance de l’urbanisation est la concentration des citadins dans les grandes agglomérations, notamment les agglomérations millionnaires. Ces agglomérations représentent seulement 1% des agglomérations en Afrique, pourtant elles attirent 42% de la population urbaine africaine. Avant les indépendances, la tendance était à la concentration de la population urbaine dans les petites agglomérations. L’hyperconcentration de ces centres favorise le phénomène d’étalement urbain ou urban sprawl, qui correspond à la progression de la ville sur les espaces naturels. Dans les grandes villes, la pression foncière contraint les nouveaux arrivants en ville ou même les citadins à s’installer dans les périphéries urbaines. Cependant à mesure que la ville ou l’agglomération s’étend, les habitants des périphéries peinent à obtenir les services de base de l’agglomération. Avec la mondialisation, des phénomènes comme le développement des motos chinoises à bas coût favorisent, selon Armel Kemajou (chercheur camerounais à l’institut polytechnique de Lausanne) l’étalement urbain. Dans les faubourgs de Lomé, à Cotonou ou dans les sous-quartiers de Douala, des millions de jeunes gens se lancent dans l’activité de taxi-moto ou de “zémidjan”. Si en l’absence de politique transport efficace, cette activité permet à de nombreux habitants des espaces périphériques de se déplacer facilement vers les poumons économiques des agglomérations, les taxis-motos engendrent également l’étalement des villes vers les périphéries. Ces phénomènes, ainsi que le manque de villes intermédiaires, entraînent une urbanisation macrocéphale ou bicéphale, par laquelle les méga-agglomérations et métropoles attirent une quantité importante des urbains. Le développement des villes intermédiaires apparaît comme l’un des défis de l’urbanisation en Afrique. 

Cependant, le primat des grandes agglomérations et le manque de volonté politique de développer des villes intermédiaires, ne doit pas occulter l’impact des agglomérations et villes secondaires qui se développent aussi sous la pression de l’accroissement naturel. Les villes et agglomération secondaires peuvent se définir comme étant des espaces urbains de petites superficies. Là encore, nous opterons pour les chiffres avancés par l’OCDE de 10 000 habitants pour définir les agglomérations secondaires africaines. 

Si généralement, les phénomènes d’urbanisation se traduisent par un exode rural, dans plusieurs pays africains, c’est au contraire, la faiblesse de l’exode rural qui forme des agglomérations. Alors qu’en zone urbaine, on constate un étalement de la ville sur les espaces naturels, en zone rurale on s’aperçoit que ce sont des établissements humains qui s’agglomèrent. À titre d’exemple, la population des villages du Niger augmente si rapidement que les villages deviennent des villes, voire des conurbations. Cela signifie que l’on assiste à une urbanisation non anticipée au sein des zones rurales et que le seuil démographique a été atteint. La dichotomie entre l’Afrique des villes et “villages” (synonyme de campagne) devient plus floue. Le développement des agglomérations en zone rurale participe fortement à l’urbanisation du continent. Ces centres urbains sont plus accessibles pour des jeunes en quête d’urbanisation et participent également à une meilleure articulation entre les zones rurales et les zones urbaines. Cependant le manque de reconnaissance du statut urbain de

cette nouvelle agglomération ne permet pas l’essor de services permettant de fixer les populations les plus jeunes dans ces zones, qui n’arrivent pas encore à s’articuler à des métropoles et mégapoles. 

Ce que l’on constate également c’est que de nombreuses villes et agglomérations se développent aux frontières. En 2015, l’Afrique compte de nombreuses villes transfrontalières. Le cas du Togo est assez emblématique de ce phénomène, car la capitale Lomé est frontalière de la ville Ghanéene d’Aflao. De même au nord, la ville de Cinkassé s’étend des deux côtés de la frontière entre le Togo et le Burkina Faso. Ces exemples mettent en lumière les dynamiques transfrontalières de l’urbanisation en Afrique. Le fonctionnement en réseau de ces espaces urbains sera un enjeu pour le développement des régions urbaines frontalières, en particulier pour accroître le développement économique de ces agglomérations. 

L’intégration et le développement d’une coordination entre les villes dans un espace transfrontalier apparaît comme un moyen d’accroître les échanges entre les métropoles africaines. Le corridor Abidjan-Lagos est sans doute la zone économique la plus dynamique d’Afrique de l’Ouest. Le développement de cet axe de transport a favorisé le développement d’agglomérations qui sont dès lors connectées à des réseaux commerciaux mondialisés, notamment grâce aux ports situés le long du corridor qui alimentent l’intérieur de la région, et dont dépendent les pays enclavés de la sous-région. Les mégapoles du corridor jouent ici un rôle de pôle commerciale. Mais la fermeture des frontières du Nigéria aux importateurs béninois a rappelé d’une part, la fragilité des relations inter-commerciales africaines, d’autre part, la dépendance des centres urbains vis-à-vis du commerce extérieur. 

Les grandes agglomérations africaines attirent de nombreux acteurs du secteur tertiaire, et dans une moindre mesure, secondaire. Cependant, la mondialisation se traduit dans les agglomérations africaines par un déversement de marchandises et d’articles commerciaux en provenance des pays émergents industrialisés. Ainsi, les agglomérations africaines créent de la richesse, mais peu de valeur ajoutée, d’autant plus que l’économie informelle, qui emploie une masse non négligeable d’urbains, reste difficile à appréhender pour les autorités. Dans un contexte de rareté des ressources publiques, l’absence de valorisation du secteur informel constitue un véritable manque à gagner pour elles. L’absence de ressources fiscales des autorités locales ne permet pas la mise en place de services de qualité dans les villes et agglomération. Cette situation renforçant même les inégalités entre les quartiers planifiés, et les sous quartiers laissés à l’abandon ou mal desservis. Henri-Bernard Solignac-Lecomte, qui travaille au centre de développement de l’OCDE, considère que dans ce contexte : “Les villes africaines vont devoir résoudre des défis, sociaux et environnementaux qu’aucune autre n’a eu à affronter.” En effet, selon Afrobarometer, institut de recherche de la Banque mondiale spécialisé sur les enjeux du développement en Afrique, l’emploi est la principale préoccupation des populations africaines interrogées dans les trente-quatre pays ayant participé à l’enquête. La réponse aux problématiques urbaines sera le principal levier pour les gouvernements pour créer de la richesse, mais également davantage de villes plus inclusives. 

II. Les problématiques de l’urbanisation en Afrique 

Parmi les obstacles qui viennent complexifier le processus de gestion de l’aménagement urbain, on peut citer les difficultés liées à la collecte de données qualitatives. Le phénomène d’urbanisation favorise une augmentation de la densité au sein de certains pôles d’agglomération, de manière souvent spontanée. Cela engendre des besoins de plus en plus forts d’accès aux services et équipements publics. Toutefois, l’identification de ces nouvelles zones et formes d’urbanisation sont encore très peu référencées par les statistiques ce qui engendre un décalage entre les politiques urbaines et les réalités territoriales. Ce manque de référencement, en plus de freiner un processus d’aménagement qui favorise le développement et la résilience des territoires, pose des problèmes de gestion et concourt à l’inaptitude de répondre aux besoins immédiats des habitants. 

Dans ce contexte, la question du logement revêt un caractère central. Il convient donc de se pencher sur ce qui doit être appliqué afin d’accélérer leur construction. L’un des écueils se trouve dans les prix excessifs des logements construits, ainsi, les loyers ne sont pas abordables pour la grande majorité de la population. L’organisation Reel, spécialisée dans l’accompagnement des entreprises du secteur immobilier, avance que les familles sont généralement contraintes d’opter pour des logements à bas coûts. Afin de surmonter ces obstacles, le Centre pour le financement du logement abordable en Afrique promeut l’investissement dans des habitations abordables sur tout le continent. Mais au-delà du financement, les problématiques ont des origines avant tout structurelles. À titre indicatif, le système de logement au Cameroun est financièrement inaccessible pour 80% de la population. Les origines de cette problématique sont multi-factorielles. D’abord, le prix élevé des matériaux de construction. Le ciment coûte 3 fois plus cher en Afrique par rapport à la moyenne internationale, ce qui est en partie dû à l’importation des matériaux. De fait, les bidonvilles ne cessent de s’étaler. À l’échelle continentale, on compte plus de 60% des citadins vivant dans un bidonville. De plus, le système foncier est encore largement défaillant : seules 20% des terres africaines sont administrativement enregistrées et vendues sur le marché. Pour ainsi dire, le modèle occidental de construction d’habitations préfabriquées n’est pas une solution applicable à grande échelle pour le moment, il est donc essentiel de repenser les modes d’habitations et de remédier à la faiblesse des infrastructures. 

À cela s’ajoutent les pénuries d’eau, les carences électriques, les systèmes d’assainissement défaillants et les congestions des transports. La pollution de l’air reste également une préoccupation majeure car le nombre de morts lié à la pollution atmosphérique était, en 2013, supérieur à celui lié à la malnutrition ou au manque d’eau potable. Les facteurs de cette pollution sont identifiables : le trafic routier (moteurs diesel et ancienneté des véhicules), ordures non traitées, mais aussi (et surtout) des pollutions domestiques comme les particules émises par le charbon bois pour cuisiner. Les conséquences sanitaires d’une telle pollution sur les humains et l’environnement sont encore peu évaluées mais restent indéniables. La ville d’Onitsha au sud du Nigeria, qui borde le fleuve du Niger, fait partie des dix villes les plus polluées au monde avec une présence de particules fines trois fois plus élevée que le seuil établi par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). 

La Chine a rapidement investi le secteur immobilier en entamant la construction de villes nouvelles sur les modèles de bâtiment chinois, dans le cadre de la coopération Chine-Afrique. Située à une trentaine de kilomètres de Luanda, la ville de Kilamba Kiaxi constitue l’une des cinq villes nouvelles construites en Angola par Pékin où logent les classes moyennes du pays. Cette initiative représente un investissement de 3,5 milliards de dollars dans le cadre d’un accord “logements contre pétrole” (l’Angola étant le troisième producteur pétrolier du continent). Les entreprises chinoises opèrent également pour la rénovation, pour les installations électriques dans les foyers, dans les stations d’épuration d’eau et dans la construction de routes. La question reste à savoir ce que la Chine cherche réellement à créer sur le plan urbain et si les intérêts socio-économiques africains seront constamment préservés. 

En effet, l’enjeu du pouvoir est d’assurer une gestion décentralisée qui puisse coordonner les diverses strates administratives sur une échelle à la fois municipale, régionale et nationale. C’est dire que les villes africaines sont très hétérogènes, il n’y a donc pas de modèle unique. C’est la raison pour laquelle on ne peut pas plaquer un modèle de ville durable africaine et qu’il est nécessaire de s’intéresser aux acteurs locaux, aller au plus près de ceux qui constituent la ville, y compris au sein du secteur informel. Pour ainsi dire, l’un des défis majeurs impose de répondre à cette problématique : comment faire en sorte que le secteur informel puisse contribuer au développement, être intégré aux projets d’aménagements, être consulté par les sphères décisionnelles et bénéficier des financements alloués aux villes. Ceci dit, la faiblesse drastique des investissements empêche de mener à bien les opérations envisageables. 

Pour remédier à ce manque d’investissement, les États africains et les bailleurs du développement se penchent davantage vers de nouveaux mécanismes de financement, tels que les Partenariats publics-privés (PPP) et les financements hybrides. En 2018, la Banque Mondiale recensait 460 PPP en Afrique subsaharienne depuis 25 ans, ce qui correspond à 10% du total des PPP conclus à l’échelle mondiale. Néanmoins, la fragmentation des institutions présente dans la majorité des pays, la faiblesse du cadre législatif, additionné aux compétences techniques élémentaires, freinent la participation du secteur privé au financement des infrastructures du continent. L’observation des expériences passées montre par ailleurs que ces nouveaux mécanismes de financement, et plus particulièrement les PPP, sont difficiles à négocier et donc à mettre en œuvre. 

III. Nouveaux modèles de développement : répondre aux objectifs de la durabilité 

Il est impératif pour les gouvernants et les populations africaines de répondre aux défis de l’urbanisation, afin que celle-ci bénéficie au plus grand nombre. La pression environnementale est le plus grand défi du développement urbain, tout comme leurs impacts sociaux et économiques. La durabilité des villes et agglomération est un enjeu mondial, car les centres urbains participent de manière importante au changement climatique. Les accords de Paris pour le climat ont été déclinés par l’ONU en objectif de développement durable (ODD). Les Objectifs spécifiques à la ville (ODD 11), sont au nombre de 17 et visent à donner une feuille de route aux gouvernements dans la mise en œuvre de stratégies qui répondent aux défis climatiques. La réalisation des ODD pour les villes durables dépendra à 65% des agglomérations secondaires. La gestion des déchets, la prévention des risques naturels, l’amélioration de la connectivité, la préservation du tissu social et le développement de la résilience territoriale seront au cœur de la gestion des villes du futur. 

Comment les villes comme Saint-Louis, qui perdront une part importante de leur territoire en raison de la montée des océans, pourront-elles anticiper ces nouveaux changements sociaux et économiques ? 

Les acteurs institutionnels africains sont organisés au sein de la plateforme Cité et Gouvernement Locaux Unis d’Afrique (CGLUA) et bénéficient de l’apport de la coopération internationale. L’association internationale des maires francophones travaille notamment en réseau avec l’AIMF (l’Association Internationale des Maires Francophones) qui offre aux maires africains un cadre de concertation pour élaborer des stratégies favorisant la résilience. Le principal enjeu de la coopération internationale réside dans l’accès au financement, qui restent difficiles d’accès en raison des contraintes économiques évoqués plus-hauts. Pour obtenir ces financements, les gouvernements locaux et les mairies doivent développer des stratégies qui respectent les Accords de Paris. 

L’ADEME (Agence de l’environnement et de la transition écologique), ou la start-up Léonard (filiale du groupe Vinci) accompagnent les acteurs institutionnels dans la définition de leurs stratégie et l’obtention des financements nécessaires. L’accès aux financements étrangers constitue un véritable défi car, selon les estimations, il faudrait 100 milliards de dollars chaque année au continent pour achever la transition urbaine. Le rôle des initiatives africaines sera crucial pour compléter les apports de la coopération. Cette coopération peut également s’appuyer sur l’apport des membres de la diaspora. La ville de Konyakari, située dans la région de Kayes, bénéficie depuis 1972 de l’apport des associations des membres de ses ressortissants basés à l’étranger pour se développer. Ces associations participent activement au financement d’ouvrages d’assainissement, de centres de santé communautaires ou d’établissement scolaire. Cet exemple témoigne du dynamisme des membres de la diaspora malienne, originaires de Kayes dans le développement de leur région d’origine. Ceux qui vivent en France se sont associés depuis au sein de la CADERKAF (Coordination des associations pour le développement de la région de Kayes en France) qui a participé, en collaboration avec l’aide de la région Île-de-France, à l’électrification de 30 centres de santé dans la région. Les diasporas apparaissent à bien des égards comme des partenaires mobilisables, et disponibles pour répondre aux besoins de financement des communes. 

Certaines initiatives africaines notoires sont tout de même à souligner. À l’échelle étatique, l’Afrique de l’Ouest s’est concrètement engagée dans la lutte contre la pollution due au trafic routier dans les agglomérations urbaines. Le Bénin, la Côte d’Ivoire, le Nigeria ainsi que le Togo ont définitivement interdit l’utilisation de carburants contenant une haute quantité de soufre. Cette décision a été prise par les ministres de l’environnement des quatre pays cités. 

De plus, quelques villes africaines décident de s’appuyer sur de nouvelles technologies pour comprendre les dynamiques de mobilité des populations, les modalités informelles existantes pour ensuite dessiner les grands axes de circulation des transports en commun. C’est ce que font les villes d’Accra, avec l’initiative Accra Mobility et de Nairobi avec l’initiative Digital Matatus. Ainsi, une méthode consiste à exploiter des informations anonymisées associées à l’utilisation de téléphones mobiles (ce sont les statistiques d’appels) pour mieux comprendre où se concentrent les emplois et les individus dans l’espace urbain, et enregistrer les horaires de pointe. La cartographie de ces itinéraires et de ces données permet de fournir des informations fondamentales sur les zones urbaines sous-desservies. 

Carte Digital Matatus

Des initiatives individuelles participent aussi à l’amélioration des cadres de vie afin de contribuer à l’élaboration de solutions efficaces et pallier les mesures lacunaires du gouvernement. À titre d’exemple, le Dr Shuaib Lwasa est directeur d’un programme scientifique qui analyse la diversité des possibilités de transition dans la ville de Kampala, en Ouganda. Convaincu que le développement durable nécessite de travailler à la réduction de la pauvreté, de l’exclusion sociale et des challenges environnementaux, il conçoit, avec son équipe des systèmes microéconomiques innovants, au niveau du secteur informel à l’échelle municipale et régionale. « Le secteur informel occupe une place centrale dans toutes les villes d’Afrique, ce qui est généralement perçu négativement », s’attriste le Dr Shuaib Lwasa, « Le postulat de notre équipe est que ce caractère informel est l’essence même de la ville et que, pour aborder le développement durable de façon intégrée, utiliser l’informel et le mélanger au formel peut offrir de grandes possibilités. » Il est ici question de s’inspirer des idées prometteuses issues de l’économie souterraine afin d’exploiter tout le potentiel des « innovations venant d’en bas ». Le travail s’articule autour de trois principaux défis, à savoir : comment la micro et méso-économie peuvent réduire les risques de chaleurs extrêmes (ex : récupération des eaux de pluies) ou d’inondation (ex : conception d’évacuation en cascade). L’autre défi consiste à trouver des méthodes d’exploitation de l’énergie issue de déchets organiques, et enfin, de restaurer la biodiversité dans les villes périphériques. Le but final est d’aboutir à la création d’un centre d’excellence en développement durable urbain avec un pôle de recherche, un réseau de scientifiques et des communautés/acteurs formés à la résilience. 

Nous savons que la transition urbaine de l’Afrique peut contribuer à construire de nouveaux modèles de développement sociaux, économiques, environnementaux et politiques. Toutefois, pour que les effets escomptés de la croissance urbaine tiennent leurs promesses, il faut favoriser des conditions culturelles et sociales qui permettent l’initiative économique et la diffusion des connaissances. 

Article rédigé par Steeve FLAGBE et Mariam FOFANA.


Bibliographie 

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https://www.lemonde.fr/afrique/article/2017/01/26/et-la-chine-inventa-l-etalement-urbain-en-afriqu e-grace-aux-motos-taxis_5069594_3212.html

Mali – Kayes : Koniakary se construit avec l’aide des migrants

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