Alassane Ouattara est finalement candidat aux élections présidentielles d’octobre prochain

Alors qu’il avait promis en mars dernier de ne pas se présenter aux élections d’octobre prochain, le chef de l’Etat a finalement décidé de briguer un troisième mandat.

Pressé de se présenter par son parti, le RHPD, le président sortant a invoqué un « cas de force majeure » pour justifier sa candidature. Le poulain d’Alassane Ouattara, Amadou Gon Coulibaly, qui était le candidat du RHPD et premier ministre, est décédé subitement en juillet des suites d’une crise cardiaque. Le vide laissé par son dauphin n’aurait laissé d’autre choix au président ivoirien que de concourir à la présidentielle.

Alassane Dramé Ouattara : d’une ascension semée d’embûches au triomphe

Nommé premier ministre par le président Félix Houphouët-Boigny en 1990, Alassane Ouattara occupe cette fonction jusqu’à la mort du « Vieux » en 1993.

Craignant qu’il n’ambitionne la présidence, le camp d’Henri Konan Bedié dit HKB, le successeur d’Houphouët-Boigny, a mené un combat sans relâche pour empêcher Alassane Ouattara de se présenter aux élections présidentielles d’octobre 1995. En effet, le code électoral de ces élections dispose que les candidats doivent avoir résidé en Côte d’Ivoire au moins cinq ans avant les élections et être nés de deux parents ivoiriens, apparaît alors de nouveau le concept de l’ivoirité. Introduit pendant les années 1970 durant lesquelles le retour à l’authenticité est encouragé par plusieurs chefs d’États africains à l’instar du Zaïrois Mobutu ou du Tchadien Tombalbaye, l’ivoirité dans les années 1990 et 2000 se révèle être à double tranchant et participe à cristalliser les tensions communautaires.

Alassane Ouattara qui à l’époque est accusé par le camp de HKB d’être d’origine burkinabée de par son père, et qui a vécu aux États-Unis pour exercer ses fonctions au FMI, retire sa candidature à la présidentielle de 1995.

En 2000, la candidature d’ADO est rejetée pour « nationalité douteuse ». Après une tentative de coup d’Etat manquée contre le président Laurent Gbagbo, le pays est scindé en deux avec un nord musulman occupé par les rebelles et un sud chrétien tenu par M. Gbagbo et son camp. Sous la pression de la communauté internationale, le chef de l’Etat de l’époque autorise la candidature d’Alassane Ouattara en 2005, il repousse néanmoins les élections jusqu’à novembre 2010. ADO en ressort gagnant avec 54,1% des suffrages.

Le président sortant se targue désormais d’avoir « placé la Côte d’Ivoire sur une trajectoire irréversible de développement » et « [d’avoir] pacifié le pays [et] ramené la paix et la sécurité sur l’ensemble du territoire ». ADO se présenterait donc pour éviter que « [son] pays recule dans bien des domaines ». Il faut dire que le candidat a ses chances, ayant été réélu avec plus de 83% des voix au premier tour à la présidentielle de 2015.

Ses détracteurs ne partagent pas l’avis d’ADO quant à son bilan

Économiste de profession et ayant fait ses armes au FMI et à la BCEAO, ADO a assaini les finances publiques en menant une politique d’austérité lorsqu’il était premier ministre. En tant que président, c’est par une politique libérale qu’il a relancé la croissance économique. Ses réalisations sont non-négligeables : 80 % de la population a accès à l’eau potable, contre 55 % en 2011 ; le taux d’accès à l’électricité, qui était de 33 % en 2011, s’établie à 80 % cette année ; le taux d’accès aux services de santé est passé de 44 % en 2012 à 69 % en 2019. De plus ADO a affirmé qu’il réhabiliterait 30 000 km de routes : en fait, c’est 40 000 km qui l’ont été.

Cependant, le chef de l’Etat reste tout de même critiqué par l’opposition.
Pascal Affi N’Guessan, opposant et candidat à la présidentielle d’octobre, parle de « croissance appauvrissante » pour désigner l’économie ivoirienne qui accuse selon lui d’un manque de mesures sociales.

Perçu comme un technocrate à la vision economiciste, M. Ouattara est également accusé d’avoir instrumentalisé la justice afin d’éloigner ses opposants, menaçant alors la paix qu’il se targue d’avoir « ramenée ».

Une candidature contestée par l’opposition

À peine quelques heures suivant le décès d’Amadou Gon Coulibaly, des rumeurs quant à la candidature d’ADO courraient déjà. Ainsi, il y a une semaine, Henri Konan Bédié, désormais membre de l’opposition et candidat du PDCI-RDA affirmait « [qu’un] troisième mandat serait illégal et [que] le peuple serait prêt à s’opposer à cette candidature ».

Issakia Sangaré, le secrétaire général et porte-parole du FPI de Pascal Affi Nguessan, a quant lui déclaré quelques minutes après l’annonce d’ADO que cette candidature était « en contradiction flagrante avec la loi fondamentale ivoirienne ».

Les articles 55 et 183 de la Constitution de 2016 interdiraient la candidature du président ivoirien. Le premier le rendant « rééligible qu’une fois » et le second disposant que « la législation actuellement en vigueur en Côte d’Ivoire reste applicable […] en ce qu’elle n’a rien de contraire à la présente Constitution»

« Ainsi, l’article 35 de l’ancienne constitution de 2000 devenu article 55 dans la constitution en vigueur (2016), relative à la limitation des mandats à deux, continue[rait] de produire ses effets. » selon un constitutionnaliste ivoirien désirant garder l’anonymat.

ADO, 78 ans, qui déclarait qu’il était important de laisser place à la jeune génération incarnée notamment par Amadou Gon Coulibaly, a affirmé avant-hier lors de son allocution que la nouvelle constitution l’autorisait à briguer un troisième mandat.

Le débat juridique amorcé par ses opposants politiques mais également par une partie de la société civile ivoirienne pourrait se terminer devant le Conseil constitutionnel, or, plus de la moitié des juges ont été nommés par le chef de l’Etat, ce qui présage peut-être une décision en sa faveur.

À trois mois de la présidentielle, et dix ans après la crise post-électorale ayant causé 3000 morts, le contexte politique ivoirien est tendu. Les partisans de l’ex-président Laurent Gbagbo qui avait refusé de reconnaître sa défaite par les urnes, et auquel Alassane Ouattara a succédé grâce au soutien des rebelles du nord et de l’armée française, ont manifesté ce jeudi pour « dénoncer son absence sur la liste électorale ».

Outre les partisans de Laurent Gbagbo, le parti de Charles Blé Goudé, ex-chef des Jeunes Patriotes ivoiriens, a dénoncé son retrait de la liste électorale.

Ayant été condamnés pour des crimes par la justice ivoirienne et étant dépourvus de leurs droits civiques, Charles Blé Goudé et Laurent Gbagbo ont perdu leur droit d’éligibilité, et sont donc dans l’impossibilité de se présenter aux présidentielles d’octobre prochain.

Édito rédigé par Keïsha MBALÉ

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