Le Zimbabwe, entre crise économique, corruption et répression politique. Quelles nouveautés depuis Mugabé?

Près de 3 ans après le départ du kleptocrate Robert Mugabe, le gouvernement de son successeur Emmerson Mnangagwa fait face à une difficile crise nationale rappelant à beaucoup les années noires de la dictature.

Cela fait maintenant une vingtaine d’années que le Zimbabwe traverse une grave crise économique qui se traduit notamment par une inflation exponentielle et des pénuries de nombreux produits de première nécessité. Engouffrée depuis près de vingt ans dans cette crise qui n’en finit plus, la sonnette d’alarme a été tirée fin 2018 par l’ONU qui déclarait dans son rapport PAM (programme alimentaire mondial) qu’environ 60% de la population Zimbabwéenne se retrouvera en pénurie alimentaire d’ici fin 2020 en raison de la crise économique mais également des conditions climatiques caractérisées par une sécheresse grandissante. La population, première victime de cette grave crise, dénonce l’ingérence du nouveau gouvernement qui n’a fait qu’enfoncer le pays dans l’hyperinflation, fragilisant ainsi autant l’offre que la demande. Le gouvernement Mnangagwa est également mis en cause pour avoir perpétré la corruption contre laquelle il s’était pourtant engagé à lutter. Le Zimbabwe qui, rappelons-le, avait été classé huitième pays le plus corrompu du monde (Classement 2018 du World Economic Forum) semble n’avoir fait aucun progrès dans la lutte anti-corruption.

Si la situation ne pouvait pas sembler plus critique pour la population zimbabwéenne, celle-ci doit également faire face à une répression brutale de la part du gouvernement et des forces de l’ordre. Après s’être levé pour le départ de Mugabe en novembre 2017, le président successeur Emmerson Mnangagwa, qui lors de son arrivée au pouvoir avait promis aux Zimbabwéens une « nouvelle démocratie » n’a finalement rien abandonné des méthodes arbitraires de l’ancien régime. Répression face à l’opposition, contrôle de la liberté de presse, violence des forces de l’ordre… le régime Zimbabwéen ressemble actuellement en tout point à une nouvelle dictature déguisée. C’est tout cela que la population zimbabwéenne a tenté de dénoncer ce vendredi 31 juillet lors d’une grande manifestation lancée par des membres de l’opposition.

Bien que la manifestation ait été interdite la veille par les autorités, le président Emmerson Mnangagwa a tout de même décidé de déployer l’armée sur sa capitale Harare, afin d’empêcher les protestants de gagner du terrain. Plusieurs d’entre eux ont finalement été arrêtés dans la journée du 31 juillet alors qu’ils tentaient de manifester dans la capitale. Parmi eux la célèbre écrivaine Tsitsi Dangarembga auteur de The Book of Not, sélectionné pour le Booker Prize 2020. On peut également citer Jacob Ngarivhume, dirigeant du parti TZ (Transform Zimbabwe) ou encore le journaliste Hopewell Chin’ono. Suite à ces événements un élan de solidarité s’est manifesté sur les réseaux sociaux notamment sur Twitter avec le lancement du hashtag « #ZimbabweLivesMatter » reprenant ainsi le slogan du célèbre mouvement afro-américain actuellement au cœur de l’actualité. De nombreux clichés surtout vidéos dans lesquels on peut voir les forces de l’ordre user d’une grande violence sur la population locale circulent actuellement sur les réseaux.

Sans tarder les membres de la diaspora Zimbabwéenne très présente en Afrique du Sud ont appelé à se réunir afin de dénoncer les agissement du gouvernement Zimbabwéen. Ils ont immédiatement pu compter sur le leader de l’EFF party (Economic Freedom Fighters) et membre de l’Assemblée nationale d’Afrique du Sud, Julius Malema. Ce dernier a demandé à ce que l’ambassade du Zimbabwe à Pretoria soit fermée tant que que le gouvernement Zimbabwéen ne s’engagera pas à respecter les droits de l’homme sur son territoire. Cette déclaration pour le moins inattendue est pour beaucoup essentiellement motivée par la précédente signature du président Zimbabwéen d’un traité visant à indemniser près de 4000 fermiers blancs à la hauteur d’un budget réservé de 3,5 milliards de dollars. Cette démarche se veut pour le moins historique puisqu’elle vient s’opposer à la réforme agraire accélérée du gouvernement de Robert Mugabe qui en 1997 avait confisqué près de 45% des terres détenues par des fermiers blancs afin de les redistribuer aux noirs. C’est cette même réforme qui accompagné à l’époque de l’insolvabilité et de la fragilité tant économique que politique du pays avait mené au début des années 2000 à l’importante crise que connaît toujours actuellement le Zimbabwe.

Il va sans dire que ce traité n’a pas du tout enchanté Julius Malema en vue des positions de son parti politique qui se dit lutter en faveur de la liberté économique des Africains et de la réparation économique des dommages de la colonisation. Harare de son côté dénonce l’irresponsabilité du leader politique qui selon eux cherche à nuire aux relations diplomatiques entre le Zimbabwe et l’Afrique du Sud, deux pays qui partagent bien plus qu’une frontière commune.

Il est nécessaire de rappeler que le Zimbabwe, étant plongé dans une crise d’hyperinflation, avait dû abandonner en avril 2009 sa monnaie locale au profit du dollar et du Rand sud-africain. Même si cette mesure a depuis été levée, la monnaie sud-africaine (en plus du dollars) reste tout de même en très large circulation dans le pays, notamment dans les échanges commerciaux.

L’ambassadeur du Zimbabwe David Hamadziripi a déclaré ce dimanche ne pas souhaiter répondre aux « provocations du EFF party » mais à tout de même tenu à dire que l’EEF party et Julius Malema ne connaissent pas le Zimbabwe mieux que les Zimbabwéens et que le gouvernement n’a pas de leçon à recevoir sur les questions qui concernent leur propre pays.

Si pour le moment les échanges houleux ne semblent concerner que le camp Malema et le gouvernement Mnangagwa, la proposition de Julius Malema pourrait tout de même bel et bien être soumise à l’Assemblée. Dès lors, le Zimbabwe devrait en plus d’une crise endogène, faire face une crise exogène avec l’un de ses plus importants partenaires Économique, l’Afrique du Sud.

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