L’innovation et la création sous l’emprise du droit en Afrique.

Niamey, la capitale du Niger, a abrité du 4 décembre au 11 décembre 2017, la 57ème session ordinaire du Conseil d’Administration de L’Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle (OAPI).

Cette rencontre qui a réuni les ministres des États membres de l’OAPI, et les responsables des différentes structures nationales de liaison (SNL)[1], a été présidée par le Ministre de l’industrie du Niger, Monsieur Mallam Zanedou AMIROU.

A l’ordre du jour, figuraient de nombreux points cruciaux à savoir l’état d’avancement de la deuxième phase du Projet d’Appui à la mise en place des Indicateurs Géographiques (PAMPIG 2)[2] dans les États membres de l’OAPI, et par ailleurs l’état d’avancement de la ratification controversée de l’Accord de Bangui révisé en 1999, auquel nous nous intéresserons dans cet article.

Cette rencontre nous questionne sur le rôle de cette organisation créée depuis 1962 mais toujours méconnue du public , et sur l’impact et les enjeux de la propriété intellectuelle dans l’économie et le développement des pays en Afrique.

L’INNOVATION ET LA CREATION EN AFRIQUE : 

Pour le commun des mortels, lorsque que nous citons le terme « innovation », nous pensons de facto aux grandes puissances industrialisées telles que les États-Unis, la Chine, le Japon, l’Allemagne qui se classent parmi les pays les plus innovants selon l’Indice mondial de l’innovation[3].

Néanmoins, force est de constater que plusieurs pays d’Afrique subsaharienne ont, durant ces dernières années, connu un essor important en matière d’innovation.

En effet, depuis 2012 , certains pays réalisent des performances supérieures à celles de leur groupe de revenus [4]. Comptabilisés au nombre de 17, ces pays font partie du groupe des « bons élèves en matière innovation » , et neuf d’entre eux sont des pays d’Afrique subsaharienne[5] : le Kenya, le Rwanda, le Mozambique, l’Ouganda, le Malawi, le Sénégal, Madagascar, le Burundi, et la Tanzanie.

Les innovations en Afrique ces dernières années se comptent par centaine. En effet, les entrepreneurs africains ont opté pour la résolution des problèmes locaux. De nombreux projets ont ainsi vu le jour dans l’agriculture, la santé, les transports et l’énergie, et représentent un gage d’avenir pour l’économie du continent.

On pourrait en citer quelques-unes : Le test « pf/PAN » (pLDH) qui est un kit de test anti-paludisme créé par le sud-africain Ashley UYS, la décortiqueuse de Fonio au Sénégal ainsi que le système et procédé de distillation de l’eau de l’Ougandais Samuel Otukol proposant une source alternative d’eau potable viable dans des régions souffrant de pénuries d’eau.

Tel que mentionné précédemment, le marché de l’innovation ne cesse de s’étendre en Afrique mais quid de son encadrement juridique ?   

SUR L’EMERGENCE DE « L’ECONOMIE DU SAVOIR »[6] EN AFRIQUE :

D’après l’Organisation de Coopération et de Développement Économique (OCDE), l’ère de l’économie de la connaissance est celle où le savoir est reconnu comme un moteur de productivité et de croissance économique. Dans cette nouvelle économie, un intérêt particulier doit être porté sur le rôle de l’information, de la technologie et de l’apprentissage dans la performance économique des États.

Est apparue, en Afrique, la nécessité d’accorder une certaine reconnaissance aux inventeurs et aux créateurs à travers la matière du droit de la propriété intellectuelle, par le biais des droits d’auteur pour les œuvres littéraires et artistiques, et sous la forme de la propriété industrielle quant aux inventions scientifiques et technologiques.

La notion de propriété intellectuelle a émergé dès l’aube des indépendances, après avoir établi le constat selon lequel le visage économique de l’Afrique était fortement marqué par la vente des matières premières. Plusieurs voix se sont ainsi levées afin de substituer cette économie de rente à une « économie de la connaissance », pour un développement pérenne.

Pour cela, le 13 septembre 1962 a été signé à Libreville, par douze chefs d’États et de gouvernement, l’accord portant sur la création de l’Office Africain et Malgache de la Propriété Industrielle (OAMPI). Cet accord sera révisé plus tard à Bangui en 1977, donnant naissance à L’OAPI (Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle).

Adopté le 2 mars 1977, l’accord de Bangui régit la propriété intellectuelle au sein des seize États membres de l’OAPI. Cet accord sert de loi nationale pour chacun des États. Ce dernier a fait l’objet d’une révision le 24 février 1999.

Par le biais de cette révision, l’OAPI a été contrainte de rendre ses dispositions compatibles avec les exigences des traités internationaux en matière de propriété intellectuelle auxquels les États membres font partie, notamment l’accord sur les Aspects des Droits de Propriété Intellectuelle qui touchent au Commerce (ADPIC) de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

Cependant, cette mise en conformité de l’OAPI avec les ADPIC sera source de controverses dans le domaine de la sécurité alimentaire et de la santé, accentuant ainsi les diverses carences que présente l’Afrique pour asseoir la propriété intellectuelle au sein de ses économies.

Mais, avant de s’intéresser aux impacts de l’accord sur les ADPIC en Afrique, il convient de s’attarder sur la matière du droit de la propriété intellectuelle telle que consacrée par l’OAPI. Ce droit consacre plusieurs mécanismes de protection à savoir :

  • Les brevets
  • Les modèles d’utilité
  • Les dessins ou modèles industriels
  • Les marques
  • Le droit d’auteur
  • Les secrets commerciaux
  • Les obtentions végétales

Le plus connu et le plus controversé d’entre eux est le brevet. C’est un titre délivré pour protéger « une invention nouvelle, qui implique une activité inventive et qui est susceptible d’application industrielle[7]».  

Le brevet confère à son titulaire un droit exclusif d’exploitation de l’invention qui en est l’objet pour une durée déterminée (limitée à 20 ans).

Quant à la notion d’invention, celle-ci n’englobe pas que les inventions de produit, pris comme objet matériel, mais regroupe également les inventions de procédé. En effet, une invention selon l’OAPI est « une idée qui apporte une solution à un problème donné relevant du domaine de la technique ».

Cette définition permet ainsi d’englober dans le cadre du brevet un procédé qui offre une nouvelle manière de faire quelque chose ou qui apporte une nouvelle solution technique à un problème. A titre d’exemple on pourrait citer les procédés de fabrication de médicaments. Dans le cadre d’invention de procédé, ce n’est pas le produit obtenu à partir du procédé qui sera protégé car n’importe qui pourra fabriquer le produit avec un procédé différent, mais c’est bien le procédé de fabrication qui sera protégé.

Une fois brevetée, l’invention ne pourra donc pas être exploitée sans l’aval du titulaire du brevet. Néanmoins, ce dernier garde toujours la faculté de l’aliéner en vertu d’une licence afin de permettre aux tiers d’utiliser le brevet en contrepartie du paiement d’une redevance.

Avec la soumission du droit de la propriété intellectuelle aux accords de l’ADPIC, la mise en œuvre du brevet pose problème dans le domaine de la santé concernant l’accès aux médicaments, et est source de contentieux concernant les obtentions végétales.

  • Le droit des brevets face aux droits des agriculteurs : le droit des obtentions végétales

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Avec l’accord sur les ADPIC de 1994 et la mise en conformité de l’OAPI à cette règlementation, la matière du droit des brevets s’est étendue avec la consécration de la brevetabilité du vivant.

En insérant la brevetabilité des organismes vivants, les accords sur les ADPIC obligent tous les pays membres « à accorder des droits de propriété intellectuelle sur les variétés végétales soit par brevet, soit par des mécanismes de droit sui generis, ou par une combinaison de ces moyens »(article 27 :3 b de l’accord sur les ADPIC).

Mais, le législateur de l’OAPI n’a pas eu la possibilité d’opter pour une protection par brevet, parce que l’accord de Bangui de 1977 (annexe I, article 5 ) [8], dans son annexe  relatif au brevet d’invention, excluait déjà la brevetabilité des variétés végétales et des procédés d’obtentions végétales. 

Par conséquent, l’OAPI a décidé de consacrer une protection des obtentions végétales  par l’octroi de certificats d’obtention végétale (COV), qui en réalité se rapproche depuis la dernière révision de l’UPOV ( Union pour la protection des obtentions végétales) en 1991 du brevet. Avec ce certificat, l’exploitation ou la commercialisation de l’obtention par un tiers est prohibée.

Le système de l’UPOV offre à celui qui a créé, découvert et mis au point une variété végétale[9], une protection sous la forme d’un « droit d’obtenteur » si cette variété est nouvelle, distincte, homogène et stable.

Ce mécanisme de protection institue par conséquent à l’obtenteur le droit exclusif d’exploiter la variété créée (avec la possibilité de délivrer des concessions et des autorisations d’exploitation de sa variété).

En Afrique, la création des variétés se fait généralement par le biais de la communauté locale, par un procédé de sélection collective qui repose sur une transmission des savoirs entre générations et des échanges de variétés entre les communautés.

Le principal revers de l’accord de Bangui, révisé en 1999 est qu’il entre en conflit avec le droit des agriculteurs qui tirent leurs ressources vivrières de la terre et impacte aussi par ricochet la sécurité alimentaire puisque l’agriculture en Afrique est principalement à caractère de subsistance.

Or ces communautés locales ne sont pas reconnues par le droit de l’OAPI comme pouvant acquérir le statut des obtenteurs, car ce droit suppose que la variété soit « créée » et non découverte. Le concept de création suppose une manipulation scientifique qui crée une nouvelle variété. Ainsi la manipulation des variétés végétales par les fermiers africains est exclue, ce qui prive ainsi ces derniers d’éventuels bénéfices économiques.

Le législateur OAPI en calquant le droit des obtentions végétales sur le modèle des pays industrialisés ne prend en compte aucun facteur propre à l’environnement socioculturel des pays dans lesquels cette législation s’applique.

En effet, cette législation basée sur la privatisation des ressources génétiques apparaît en totale contradiction avec l’idée de collectivisation qui caractérise ces sociétés[10].

Ainsi, en consacrant la brevetabilité des micro-organismes, l’accord sur les ADPIC remet ainsi en cause la convention sur l’accès à la biodiversité et l’engagement international de l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (ONUAA), concernant le libre accès et la libre circulation des ressources génétiques dont les pays en développement ont besoin pour leur agriculture et leur alimentation.

Non seulement ce droit des obtentions végétales est inadapté, mais aussi inefficace au regard des objectifs énoncés dans les dispositions de l’accord de Bangui révisé,selon lesquelles ce droit allait contribuer au bien-être de la population par l’amélioration de la sécurité alimentaire, y compris l’agriculture durable et la protection de l’environnement et de la biodiversité.[11]

Au contraire aucune disposition du système international des droits des obtentions végétales de l’accord de Bangui n’accorde une protection juridique des cultures vivrières sur celles des cultures industrielles. Des recherches effectuées sur 3 pays africains[12] qui ont adopté des législations sur les droits des obtentions végétales montrent que les COV délivrés portent en majorité sur des cultures industrielles et non sur des cultures de subsistance.

Par ailleurs, dans le secteur de la santé, la mise en conformité avec l’ADPIC poserait également un problème quant à l’accès aux médicaments car l’importation des génériques en dehors de la zone OAPI est interdite.

  • Le droit des brevets face à l’accès aux médicaments en Afrique

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Concrètement, 87 % des ventes mondiales de médicaments seraient réalisées dans les pays industrialisés, alors qu’ils ne représentent démographiquement que 18,7 % de la population mondiale. Cette inégalité dans la distribution des médicaments se trouve aggravée par la hausse du prix  des produits pharmaceutiques, devenant de plus en plus inaccessibles aux populations.

L’accord sur les ADPIC a imposé, aux pays membres de l’OMC dont les pays d’Afrique, une protection a minima par le biais des brevets sur les produits pharmaceutiques. En vertu de ce brevet, les laboratoires pharmaceutiques se voient concédés un monopole sur la fabrication et la commercialisation de leurs produits sur une durée de 20 ans. Après quoi, certaines entreprises pourront commercialiser les versions génériques du produit

Si les accords ADPIC renforcent en effet le droit des brevets sur les médicaments, ils comportent aussi des clauses de sauvegarde qui exemptent les pays des obligations de l’ADPIC pour protéger la santé et la vie des personnes (article 27) et prévoit également de passer outre l’autorisation du détenteur dans des situations d’urgence nationale ou en cas d’utilisation publique à des fins non commerciales (article 31).

Ces pays peuvent octroyer des licences obligatoires, ou procéder à des importations parallèles[13].

Ces clauses d’exemption sont d’ailleurs sujettes à controverse, notamment sur leur interprétation, ce qui a donné lieu à diverses instances[14].

En effet, en 1997, en raison du faible accès aux traitements contre le Sida et de l’expansion de l’épidémie, le gouvernement sud-africain a fait voter une loi qui octroie au Ministre de la santé le pouvoir de prendre des dispositions pour limiter les droits des brevets relatifs à des médicaments protégés et commercialisés, ou autoriser des importations parallèles afin de se procurer des médicaments vendus moins chers dans un autre pays par le détenteur du brevet ou des licences d’exploitation.

Au regard de cette disposition, certaines firmes internationales n’avaient pas tardé à trainer en justice l’État aux motifs que cette loi portait atteinte aux droits conférés par l’ADPIC au détenteur du brevet.

Plus tard en raison de divers soulèvements menés contre l’industrie pharmaceutique, les firmes ont procédé à un retrait de leur plainte contre l’État. Et durant la Conférence[15] ministérielle de l’OMC tenue à Doha en 2001, celle-ci a réaffirmé la flexibilité des clauses d’exemption contenues dans l’accord de l’ADPIC, notamment le droit de chaque membre « d’accorder des licences obligatoires et la liberté de déterminer les motifs pour lesquels de telles licences sont accordées ». Toutefois la portée de cette déclaration reste à déterminer.

En dépit de ces quelques faiblesses, l’insertion du droit de la propriété intellectuelle dans nos économies s’avère nécessaire.

L’IMPACT DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DANS NOS ECONOMIES : 

Tout l’enjeu de consacrer des mécanismes de protection réside dans le fait qu’ils permettent aux titulaires de ces droits de percevoir de leurs inventions des avantages commerciaux, ce qui encourage l’innovation, et permet également d’inspirer d’autres inventeurs qui ont accès aux informations de l’invention.

Pour monsieur EDOU EDOU directeur de L’OAPI « la finalité de la propriété intellectuelle est de favoriser le développement »

Le droit de la propriété intellectuelle contribue au développement des territoires ruraux à travers les indicateurs géographiques [16] et permet la valorisation des produits du terroir, qui sont pour la plupart exportés en dehors du continent.

Les marques, les dessins, et les modèles industriels contribuent à la compétitivité des entreprises et la conquête des marchés. Quant aux brevets d’invention ceux-ci représentent des outils de développement stratégique.

En effet, la propriété intellectuelle joue un rôle important dans la transformation scientifique et technologique des économies africaines, et par conséquent dans le développement économique et social du continent.

En raison de la place cruciale qu’occupent ces créations, et ces inventions dans nos sociétés, une protection juridique efficace doit être mise en place pour transformer ces savoirs en actifs commerciaux, sources de richesse.

Cependant, force est de constater que la propriété intellectuelle peine à s’asseoir sur le continent en raison de nombreux facteurs

LES OBSCTACLES À L’EMERGENCE DE LA PROPRIETE INTELLECTUELLE SUR LE CONTINENT:

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Le droit de la propriété intellectuelle peine à s’asseoir  dans l’espace juridique et économique des États en Afrique. En effet, plusieurs choses font défaut[17] :

  •  Notamment le manque d’encadrement durant la phase de concrétisation de l’invention, et le manque d’accompagnement postérieurement à l’invention : les moyens de la recherche en Afrique sont dérisoires et les entreprises innovantes en Afrique se heurtent à des problèmes de financements publics ou privés. Le système bancaire africain n’est pas encore disposé à financer des projets de valorisation de biens immatériels.
  • La mise en conformité du droit de la propriété intellectuelle en Afrique avec les ADPIC : comme mentionné plus haut, en raison de la mise en conformité de l’OAPI avec les accords sur les ADPIC, plusieurs domaines ne sont pas en reste, notamment le domaine de l’agriculture et de la santé. Il conviendrait d’établir des dispositions plus adaptées et plus calquées sur l’environnement socioculturel et économique des pays dans lesquels elles s’appliquent.
  • Le problème à l’étape du transfert de technologies : on constate dans les États africains le manque criard d’organismes de gestion collective pouvant accompagner les créateurs, et les inventeurs dans la maturation de leurs projets.
  • Un problème culturel : Même si le propre des brevets et des autres mécanismes de protection des inventions est de concéder à l’inventeur un droit exclusif sur le produit ou le procédé, ce droit s’accompagne toujours d’une contrepartie qui est l’obligation de divulguer les informations relatives à l’invention. Alors que tel que nous l’avons rappelé précédemment, la propriété en Afrique est collective, et n’implique pas une divulgation au public des savoirs traditionnels mais une transmission restreinte à  la communauté et aux générations futures.
  • Le manque d’encadrement juridique, et de répression de la contrefaçon en Afrique. Il y a une absence de cadres juridiques répressifs à l’encontre de la contrefaçon et de l’utilisation frauduleuse d’œuvres artistiques ou littéraires et de procédés d’application industrielle ou artisanale. Cette carence limite par conséquent l’impact attendu des droits de propriété intellectuelle en Afrique.
  • Le défaut de publication des recherches : La recherche universitaire n’est pas en reste puisque ‘‘ seules les publications scientifiques préoccupent les universitaires dans la recherche de leur promotion académique, alors que l’invention ainsi perdue pourrait être économiquement plus bénéfique à toute la société’’, dénonce Paul Ikounga, Commissaire de l’Union africaine chargée des ressources humaines de la science et de la technologie, qui suggère aux académiciens de vulgariser les résultats de leurs recherches.
  • l’absence de protection littéraire et artistique en Afrique : contrairement à la propriété industrielle qui était largement protégée, la propriétaire littéraire et artistique était quant à elle passée aux oubliettes. Consciente de ce vide juridique, l’OAPI contrairement à l’ancien organe OAMPI, a voulu combler ce vide en prévoyant des dispositions de protection. Néanmoins on constate toujours une absence de titres à délivrer et l’absence de protection sur le droit d’auteur.

LES SOLUTIONS : 

Afin de remédier à ces lacunes précédemment mentionnées, il convient que soient mis en place :

  • Une intégration de la propriété intellectuelle dans la politique globale des États, avec la création d’un cadre juridique approprié. A titre d’exemple on pourrait citer le Cameroun qui a inséré dans son code des investissements (article 34) des mesures d’incitations fiscales et douanières dans le secteur de la recherche et du développement.
  • Le système de la Propriété intellectuelle doit être intégrée à la phase des recherches- développement des instituts. En effet, l’évolution technologique doit passer par les universités et les centres de recherche & développement en Afrique. Ceci permettrait de rapprocher le plus étroitement possible les innovations et les recherches effectuées, des besoins sociaux, économiques, et environnementaux de la communauté.
  • Les universités et les centres de recherche & développement en Afrique doivent se doter de centres chargés de la protection et de l’exploitation commerciale des inventions. Ces centres mettraient également en relation les inventeurs et les entreprises et accompagneraient les inventeurs à trouver la protection juridique la plus adaptée à leur invention.

A ce titre, des mesures sont déjà prévues, notamment par la tenue de la SAIIT (Salon Africain de l’Invention et de l’Innovation Technologique) qui permet de mettre en relation investisseurs et inventeurs et constitue une vitrine régionale valorisant les inventions locales.

  •  Des mesures doivent également être prises afin de permettre la vulgarisation des recherches scientifiques effectuées, et permettre une facilité d’accès aux informations.
  • Il doit également être mis en place un système de protection et de valorisation des connaissances traditionnelles : qui sont très souvent exclues, mais qui représentent une part importante des avancées scientifiques.

En somme, le droit de la propriété intellectuelle est une branche du droit qui peine à s’établir sûrement en Afrique.

Les accords sur les ADPIC retranscrits dans l’Accord de Bangui révisé en 1999 ne prennent pas en considération les droits des agriculteurs et des communautés locales, ni ne permettent la protection des savoirs traditionnels. Pour pallier cette carence, a été édifiée la loi Modèle de l’OUA sur la protection des droits des communautés locales, des agriculteurs, et des obtenteurs et sur les règles d’accès aux ressources biologiques, cependant cette loi trouve des difficultés d’articulation avec l’accord de Bangui.

A ce titre, une nécessaire confrontation doit être effectuée entre la protection des intérêts privés des innovateurs et investisseurs à qui le droit de la propriété intellectuelle confère un monopole et les intérêts primordiaux de la population à savoir la santé publique.

En effet, la véritable carence du droit de la propriété intellectuelle en Afrique se manifeste dans le fait que le législateur OAPI a édifié un régime uniforme calqué sur le modèle des pays industrialisés qui s’avère inadapté aux réalités des États membres. Ce mimétisme est source de contentieux relatifs à des questions en matière de sécurité alimentaire, d’accès aux médicaments, de brevetage du vivant, d’accès aux ressources énergétiques, et de protection des savoirs traditionnels.

Nihad agadazi

 

[1] La Structure nationale de liaison (SNL) relève, en général, du ministère en charge de l’industrie de chaque Etat membre. La structure nationale de liaison sert de relai entre les utilisateurs nationaux et la Direction Générale de l’OAPI

[2] Le PAMPIG : Projet d’appui à la mise en place des indications géographiques

Le programme vise à consolider les acquis de la première phase et à encourager un climat institutionnel favorable au développement des indications géographiques tant au niveau de l’OAPI que de ses Etats membres. Ce projet accompagnera les 4 pays suivants :  le Bénin, le Cameroun, La Guinée et la Côte d’ivoire et six nouvelles filières qui seront accompagnées pendant les quatre années à venir.

L’indication géographique (IG) protège et réserve l’usage du nom géographique d’un produit qui présente des qualités spécifiques liées à son lieu d’origine.

[3] Classement Indice mondial de l’innovation de 2017 : http://www.wipo.int/edocs/pubdocs/en/wipo_pub_gii_2017-intro5.pdf

[4] pays à faible niveau de revenu

[5] http://www.wipo.int/pressroom/fr/articles/2017/article_0006.html#top

[6] L’économie du savoir ou le capitalisme cognitif, ou l’économie de l’immatériel est un courant de pensée qui s’est développé depuis le milieu des années 1990 et qui est axé sur le rôle moteur de la connaissance dans la compétitivité des firmes et la croissance des nations . Voir Économie de la connaissance, Jérôme Vicente, Maître de Conférence en Sciences Économiques à l’Institut d’Études Politiques de Toulouse

[7] article 27 de l’accord sur les ADPIC

[8] Annexe I, article 5 de l’accord de Bangui de 1977 : « ne peuvent être brevetés… l’invention qui a pour objet des variétés végétales, races animales, procédés essentiellement biologiques d’obtentions végétales… »

[9] Une variété végétale : la variété est un rang taxonomique inférieur à l’espèce végétal . En agriculture la variété correspond à une population de plantes d’une espèce donnée qui a été sélectionnée et cultivée depuis des millénaires pour des caractères répondant aux besoins des hommes. Ces variétés doivent être reconnaissable à ses caractères , différer notablement de toute autre variété et demeurer inchangée au cours du processus de reproduction ou de multiplication.( définition issue de

[10] Voir, LA PROTECTION DES VARIÉTÉS VÉGÉTALES EN AFRIQUE DE L’OUEST ET CENTRALE par Konstantia KOUTOUKI * Nicole MATIP** Serges KWEMBOU

[11] Libres propos sur la législation OAPI relative aux obtentions végétales Isidore Léopold MIENDJIEM Patrick Juvet LOWE G. Lex Electronica, vol. 14 n°3 (Hiver / Winter 2010) et l’accord de Bangui révisé et l’annexe X relative à la protection des obtentions végétales Par Jeanne ZOUNDJIHEKPON

[12] Au Kenya, pas une seule demande de COV n’a porté sur une culture importante pour la sécurité alimentaire : 135 demandes ont été déposées sur les cultures industrielles contre une seule sur une culture vivrière. Au Zimbabwe de 1973 à 1999 : 534 demandes ont été déposées sur des cultures industrielles contre 208 sur les cultures vivrières. Et en Afrique du sud sur les 1435 COV délivrés la moitié d’entre eux portait sur les cultures industrielles. (la protection des obtentions végétales pour nourrir l’Afrique ? rhétorique contre réalité :  www.grain.org/fr/publications/pvp-fr.cfm)

[13] Importations parallèles : l’importation parallèle d’un médicament consiste à importer puis distribuer le médicament d’un État membre dans un autre État membre, en dehors du réseau de distribution mis en place par le fabricant ou son distributeur agréé.

[14] https://www.memoireonline.com/07/08/1187/la-protection-des-brevets-et-lacces-aux-medicaments-en-afrique.html

[15] Déclaration sur l’accord sur les ADPIC et la santé publique adoptée le 14 novembre 2001.Conférence ministérielle de l’OMC, DOHA, 2001 : les ADPIC, WT/MIN (01) DEC/2

[16] Les indicateurs géographiques : est un signe utilisé sur des produits qui ont une origine géographique précise et qui possèdent des qualités ou une notoriété dues à ce lieu d’origine. La plupart du temps, une indication géographique consiste dans le nom du lieu d’origine des produits. Exemple : Le Poivre du Penja, le miel d’Oku et le café Ziama-Macen

[17] http://www.linkipit.com/la-propriete-intellectuelle-et-le-developpement-de-lafrique-etat-des-lieux-et-perspectives/

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