« L’aide internationale, ou plutôt, l’aide au développement, désigne une action volontaire par un acteur ou un organisme extérieur qui a pour objectif, d’impulser le développement d’un pays (pays en développement). Comme les conceptions du développement sont nombreuses, les différentes formes de l’aide le sont tout autant. »
Compte tenu de la situation économique des pays africains, les flux d’aides au développement sont essentiellement concentrés sur ce continent depuis les successions des indépendances, qui ont mis un terme –du moins, de manière théorique concernant certains pays– aux empires coloniaux européens. En ce sens, les organismes d’assistances économiques (A l’instar des institutions de Bretton Woods ou de l’Agence Publique du Développement), ou les groupes privés (Donateurs), versent des sommes conséquentes aux états africains, de sorte à ce que des projets d’ordre économiques ou sociaux, améliorent le quotidien des populations africaines. Néanmoins, force est de constater que les résultats n’ont jamais été à la hauteur des montants alloués, pire encore, plusieurs voix s’élèvent afin de vivement critiquer les conséquences de ce phénomène. En effet, au lieu de participer au développement du continent, les multiples aides ont surtout amplifié la corruption, la gabegie financière, ainsi que le népotisme.
L’Aide Publique au Développement (APD) est l’agence officielle des finances distribuées aux différents pays en voie de développement dans le but de promouvoir le développement économique et le système de protection sociale dans ces pays. Les aides financières qui abondent vers l’Afrique ne proviennent pas uniquement de programmes d’aide individuels de gouvernement à gouvernement, mais aussi des programmes internationaux de développement tels que la Banque mondiale et le FMI. Ces derniers agissent comme des chaînes de financement intermédiaires entre les gouvernements donateurs et receveurs.
Plusieurs facteurs expliquent les « désastres » des aides, en effet, les institutions qui perçoivent ces mannes financières sont faibles, ou alors, fortement corrompues. De ce fait, les sommes sont facilement détournées pour des projets personnels ou pour la pérennisation de la pratique du pouvoir. Sachant que ces aides sont censées soutenir les programmes de développement des Etats receveurs, ce sont les populations africaines qui sont paradoxalement victimes de ces malversations.
En outre, il faudra également s’interroger sur la conscience internationale, ou plutôt, sur les dynamiques qui entourent ce système d’assistanat, mis en place par les nations occidentales, au détriment des pays en développement. En raison des résultats non-productifs pour la plupart des pays, nous pouvons nous demander pourquoi les puissances donatrices, continuent de verser des aides, sans pour autant, remettre en question la conditionnalité. Celle-ci se définit par un ensemble de conditions exigées par les organisations économiques mondiales (Le FMI et la Banque Mondiale sont de parfaits exemples) en échange de prêts d’investissements, de crédits pour des projets ou des réformes à mener. Néanmoins, les modalités requièrent des changements obligatoires pour le pays receveur (Baisse des dépenses publiques, privatisations, augmentation des protections sociales, de l’impôt, du budget pour l’éducation ou les infrastructures, ou encore la dévaluation de la devise nationale.)
Des origines de l’aide internationale en Afrique…
Les premières formes d’aides pour le continent africain devraient remonter à l’époque coloniale, plus précisément, durant la période du « colonial tardif » avec la création du FIDES (Fonds d’investissement pour le développement économique et social) en 1946. Cet organisme a été créé pour les territoires Outre-mer et ceux de l’Union française, de sortes à développer les infrastructures médicales, sociales ou routières. Toutefois, ce projet avait surtout pour objectif, celui d’embellir le rôle civilisationnel de la France, de répondre aux revendications formulées par les africains « évolués » du continent, qui exigeaient d’une part, que la métropole tienne ses promesses durant la Seconde Guerre mondiale, et d’autre part, des meilleures conditions de vies.
Dès lors, un cycle continu d’aides économiques s’élargit sur l’intégralité du continent, surtout après les vagues d’indépendances des années 1960. Selon l’économiste Dambisa Moyo, depuis cette même décennie, l’Afrique aurait reçu plus de mille milliards de dollars d’aides. D’abord pour l’industrialisation dans les années 1960, puis la réduction de la pauvreté dans le courant des années 1970, ensuite pour les ajustements structurels des institutions Bretton Woods à partir de 1980, et enfin, pour la démocratisation post-Guerre Froide. Toujours selon l’économiste zambienne, l’Afrique actuelle serait encore plus pauvre que celle des années post-indépendance, les ravages de l’aide semblent dévastateurs, la croissance attendue, ainsi que le niveau de développement, n’ont jamais décollé.
Contrairement aux pays asiatiques et ceux de l’Amérique du sud, l’Afrique, dans son ensemble, affiche plusieurs trains de retard, alors qu’elle partageait le même wagon que ces mêmes régions durant les années 1960. Les statistiques comparent également les niveaux d’inflation des années 1970-1990 dus aux baisses des cours de matières premières et des chocs pétroliers, les pays africains ont payé leur dépendance à leurs Ressources naturelles qui sont la pierre angulaire de leurs économies encore peu diversifiées.
A la réelle nécessité de cette « assistance » économique, dont dépend de nombreux pays africains…
Vu les montants astronomiques donnés par Dambisa Moyo, il serait légitime de se demander pourquoi la communauté internationale se montre aussi généreuse avec le continent africain. Le succès du plan Marshall au sortir de la Seconde Guerre mondial, pousse-t-il impérativement les occidentaux à rééditer le même schéma avec l’Afrique ? De toute évidence, une sorte de « morale » manifeste semble régir l’idée selon laquelle, seules des aides conséquentes seraient capables de stimuler les dynamiques économiques des pays en voie de développement. En effet, l’unique solution pour éradiquer la pauvreté, serait de donner encore plus aux mêmes institutions déliquescentes, sans jamais remettre en question, la réelle utilité de cette méthode.
Avec les objectifs du millénaire (Réduction de l’extrême pauvreté et la faim, égalité des sexes, mortalité infantile, enrayer les grandes pandémies etc…) lancés en 2000, en plus des conflits régionaux sanglants et des catastrophes humanitaires et naturelles qui secouent le continent, les canaux d’aides se multiplièrent. Tout en conservant et véhiculant un imaginaire dans lequel l’Afrique attise la pitié et la mendicité, d’autant que les périodes esclavagistes et coloniales subsistent, tant dans les mentalités occidentales, qu’africaines. En ce sens, l’aide étrangère apparaît comme une nécessité impérative, n’en déplaise aux résultats qui s’affichent concrètement sur le terrain.
Alors que d’autres pays parviennent à se développer sans dépendre de l’aide.
Quelles sont alors, les conséquences directes et indirectes pour les pays africains concernés ? Avant toute chose, il est indispensable de ne pas considérer l’Afrique comme un continent hétérogène. C’est une approximation, voire une erreur de jugement et de la perception des réalités endogènes. L’Afrique évolue effectivement, à plusieurs vitesses, à l’intérieur même d’un bloc régional, des pays ne se développent pas à la même cadence (A l’instar de la Zone CEMAC, de la CEDAO ou encore, de la COMESA), cette hétérogénéité fragmente l’image d’un continent au bord du gouffre. Ainsi donc, cette disparité s’étend jusqu’aux types de régimes politiques, selon les pays, l’aide internationale produit des résultats qui dépendent des bureaucraties et des administrations locales.
Dans plusieurs pays, notamment ceux de la zone du Franc CFA, quelques dirigeants sont connus pour leur habitude à détourner les aides reçues. Cette corruption généralisée cause des effets pervers, qui paralysent les rouages des administrations, d’ailleurs, il y aurait une corrélation entre les indices de corruption et le montant des aides allouées. Selon Dambisa Moyo, l’aide participe à la mauvaise gestion des institutions, alimente la corruption, et entretien une certaine dépendance à l’égard des pays qui sont dans le besoin.
En définitive, si l’aide internationale se révèle être globalement un échec, celle-ci est ponctuée par une double-responsabilité. D’une part, les organismes ou les donateurs qui versent généralement des sommes sans forcément respecter la conditionnalité. Certains régimes sont très corrompus et autoritaires, soutenus par l’occident, la Chine ou Les puissances du golfe, pourtant, ils bénéficient des aides internationales. Ces dernières ne seront pas totalement injectées dans les projets initiés, alors pourquoi entretenir des Etats, dont la bonne gouvernance et la transparence éthique sont absentes ? Selon les spécialistes, un régime politique stable et démocratique, dont l’appareil d’Etat est opérationnel et performant, avec un taux de corruption bas, ferait un meilleur usage des aides versées par les donateurs.
L’attitude paternaliste des grandes puissances, à l’égard des pays sous-développés, suscite des critiques de plus en plus vives de la part des économistes, certains s’interrogent, l’aide vient-elle d’une bonne intention ? Des pays comme la France, soutiennent ouvertement les pays africains, dont des liens étroits ont été conservés. L’aide serait-elle une forme d’échanges de bons procédés ? Compte tenu de l’appui de l’Hexagone envers des dirigeants africains illégitimes afin de sceller ses intérêts stratégiques, commerciaux et culturels, l’aide est perçue comme un moyen pour les préserver dans leurs fonctions.
Faut-il restructurer l’aide au développement ? Les puissances donatrices doivent-elles porter plus d’attention à la conditionnalité comme les pays scandinaves ou l’Australie ? Ces derniers envoient des délégations qui enquêtent sur la tenue de celle-ci auprès des pays bénéficiaires. Par conséquent, si les exigences ne sont pas respectées, ces pays peuvent se réserver le droit de couper l’aide, ou alors, d’en diminuer le montant, de manière à responsabiliser les Etats. Dans « l’Aide Fatale »[1] de Dambisa Moyo, l’auteure suggère un sevrage progressif de l’aide, un raisonnement qui a suscité des réactions lors de la sortie de son ouvrage. Les pays africains doivent « être sevrés pour leur bien » pour reprendre la métaphore de l’auteur. A l’image du Ghana, du Botswana et de l’Afrique du sud qu’elle prend en exemple, une aide relative aux besoins stricts des gouvernements, diminue la dépendance à cette dernière, ce qui encourage les pays africains à l’utiliser avec prudence, à l’investir correctement dans les secteurs d’activités concernés
Shiva Loog
[1] MOYO Dambisa, L’aide Fatale. Les ravages d’une aide inutile et de nouvelles solutions pour l’Afrique (Dead Aid), traduit de l’anglais par André Zavriew, collections JC Lattès, 2009, 249 pages
Très bon article mettant en lumière les failles de l’aide internationale au développement.
Je serai ravie de vous lire sur la question du développement et donc du sous-développement. En effet, comment chaque théorie le définit et la définition occidentale du développement correspond-t’elle aux réalités africaines ? Pour ma part je dirai que non.
J’espère vous avoir inspiré un nouveau sujet d’article.
Merci pour votre blog tout à fait pertinent.
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Bonjour Edwige, merci pour votre commentaire !
Votre idée est très intéressante, cela mérite effectivement, de s’y pencher ultérieurement. Je ne vous garantis pas un article dessus, toutefois, nous abordons cette thématique régulièrement via nos publications.
Encore merci !
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Edwige , cet aspect que tu évoques , nous allons en parler durant notre club de lecture qui portera sur le livre Afrotopia de Felwine Sarr, qui sera organisé en début d’annee 2018. Dans ce livre l’auteur remet justement en cause la notion de développement telle que perçue par beaucoup d’entre nous .Il critique justement le fait qu’en Afrique les pays soient qualifiés de sous- développés en vertus d’unités de mesure, de paramètres qui ne prennent pas en compte les réalités africaines . Je t’invite donc à nous suivre sur facebook ou Twitter afin de te tenir au courant .
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