Les relations euro-africaines: des accords de Yaoundé aux APE UE-ACP

La mention ACP (Afrique-Caraïbes-Pacifique) désigne une catégorie créee  par la CE (Communauté Européenne) désignant les pays du Sud correspondant à ces aires géographiques pour cibler une politique de développement et de coopération particulière, consacrée en 1975 par la convention de Lomé.
La coopération UE-ACP (Afrique Caraïbes Pacifique) est marquée par la volonté des anciennes puissances coloniales européennes d’inscrire les liens avec leurs anciennes colonies dans le cadre de la CE (Communauté européenne) et d’y inclure aussi l’ensemble des pays du Sud ne rentrant jusqu’alors dans aucun cadre défini, d’où le création de cet ensemble, normé selon les critères de la CE, Afrique Caraïbes Pacifique. 
Il s’agit donc de conserver et développer les liens économiques et à travers cela les liens politiques des pays membres de la CE, puis de l’UE, avec ces pays du Sud. Il y a donc un transfert de compétences partiel entre les pays membres de la CE et la CE en matière de coopération. La nature même de la CE et de l’UE, organisation internationale intégrative, dont les fondements pratiques sont plus marqués par une homogénéisation économique que politique, déteint sur la nature de la coopération UE-ACP, tout au long de son évolution. La problématique du développement des pays ACP se concrétise par la création du FED (fonds européen de développement).

La continuation des rapports Nord-Sud

Le prélude de Yaoundé
Précurseur de la coopération UE-ACP, les accords de Yaoundé posent les bases en 1963 de la coopération de la communauté européenne avec une partie du Tiers monde . Il s’agit d’un accord entre les EMEA (Etats africains et Madagascar associés) et la CEE (1963-1969). L’objectif consacré est de créer de nouveaux liens économiques entre la nouvelle communauté européenne et les anciens pays colonisés, sur la base des anciens liens que les pays colonisateurs européens entretenaient avec leurs colonies. Ces nouveaux liens prétendent réfuter les anciens liens de dominations économiques et établissent le nouveau rapport entre partenaires, que veut établir la CE. Les deux premiers FED (fonds européens de développement) se déroulent sous les conventions de Yaoundé.
Les conventions de Yaoundé dites Yaoundé II signées en 1969 entérinent la volonté de participer de manière principale avec le FED à la fondation d’infrastructures, dans la post-continuité de la décolonisation.

La naissance des pays ACP
Le cadre des pays ACP est alors crée pour intégrer les pays du Commonwealth, avec l’entrée de la Grande Bretagne en 1975 dans la CE. Certains de ces pays sont placés dans les Caraïbes et le Pacifique. Il s’agit aussi de consacrer par des contrats le partenariat économique avec les pays ACP, et de combiner sous la forme de contrat l’aide au développement, l’aide au commerce dans le cadre politique dans des projets à long terme. Il s’agit là de la véritable naissance de la coopération UE-ACP, et l’influence de la Grande Bretagne se fait alors ressentir dans les mesures propres à la convention de Lomé, telles que l’accès préférentiel au marché européen des produits agroalimentaires telle que la banane, les produits bovins. Il consistait en un remboursement des taxes, ou d’achats préférentiels aux pays ACP.
Le 4ème FED institue l’un des traits majeurs des conventions de Lomé la non-réciprocité des avantages commerciaux envers les pays ACP ainsi que le système STABEX qui protège les pays ACP des fluctuations du marché. Ainsi la coopération commerciale UE-ACP est marquée par la volonté d’aider à l’épanouissement commercial des pays ACP en les mettant à l’abri du libéralisme tout en préservant la souveraineté nationale de chaque état.

Une ingérence croissante

 En 1995 la dernière retouche ces conventions de Lomé induit le respect des droits de l’homme, qui devient une condition pour l’accès à l’aide. Il s’agit du début de la politisation de l’aide économique. Il s’agit aussi de décentraliser la coopération et de moins la lier aux États, de plus donner une part au chapitre à la société civile.

La course au libéralisme économique

Les accords de Cotonou
Les accords de Cotonou, intervenus en 2000, remettent en cause cet équilibre entre enjeux économiques et enjeux politiques. En effet depuis 1995 et les accords du GATT, le protectionnisme est prohibé et la clause de la nation la plus favorisée est censée être étendu à tous. Les accords de Cotonou signés en 2000 s’inscrivent donc cette vision en voulant petit à petit mettre fin aux accords préférentiels des pays ACP sur le marché européen, tandis que l’UE réclame l’ouverture des marchés ACP aux produits européens sans les restrictions protégeant auparavant les marchés intérieurs des pays ACP. Les accords de Cotonou et ses prérogatives ne sont pas remises en cause jusqu’au 31 décembre 2008. Passé cette date, les pays ACP doivent renégocier par région un APE. Le 11 ème FED actuel couvre la période 2014-2020, la fin de la période régie par l’actuel accord de Cotonou revisité. Le PIR s’apppuie sur l’article 28 de l’accord de Cotonou :
«La coopération contribue efficacement à la réalisation des objectifs et priorités fixés par les États ACP dans le cadre de la coopération et de l’intégration régionale et sous-régionale […]. Dans ce cadre, la coopération doit viser à: a) encourager l’intégration progressive des États ACP dans l’économie mondiale; b) accélérer la coopération et le développement économiques, tant à l’intérieur qu’entre les régions des États ACP; c) promouvoir la libre circulation des populations, des biens, des capitaux, des services, de la main d’oeuvre et de la technologie entre les pays ACP; d’accélérer la diversification des économies des États ACP, ainsi que la coordination et l’harmonisation des politiques régionales et sous-régionales de coopération, et e) promouvoir et développer le commerce inter et intra-ACP et avec les pays tiers.»

L’intégration régionale africaine est vue comme une réalisation des objectifs de l’accord de Cotonou d’une part et du sommet Afrique-UE d’autre part et concrétise la polymorphie de la nouvelle politique de coopération européenne : entre aide au développement et partenariat économique libéral. La souscription aux règles économiques dictées par l’OMC (motif même de l’accord de Cotonou) est une condition sine qua non pour bénéficier des aides de financement de l’UE. De plus la participation réelle des sociétés civiles aux FED est très faible par rapport aux organes étatiques et régionaux via le PIR . La stabilisation politique voulue par le PIR n’est qu’une donnée permettant une meilleure intégration économique, d’où la synergie voulue par l’UE entre CEEAC et CEMAC « la coopération économique et commerciale se fonde sur les initiatives d’intégration régionale des Etats d’ACP, considérant que l’intégration régionale est un instrument clé de leur intégration dans l’économie mondiale. »
Les intégrations régionales africaines comme la CEEAC, la CEMAC et la CEDEAO ( les deux premières représentant l’Afrique centrale et la CEDAO l’Afrique de l’Ouest) sont considérées comme un moyen d’intégration dans l’économie mondiale. Une intégration sous la forme libérale, celles conformes aux règles de l’OMC. Une libéralisation économique allant de pair avec le développement de la paix en Afrique centrale, humain et économique, dans la continuité du paradigme du « doux commerce » de Montesquieu.

Les APE
Les APE (accords de partenariat économique) sont la conséquence des accords de Cotonou. En effet désormais, les pays ACP sous leur forme d’intégration régionale doivent signer un APE avec l’UE qui doit remplacer de manière définitive les accords de Cotonou et ainsi mettre fin aux avantages. Pour ce faire, l’UE favorise la construction des intégrations régionales en favorisant les intégrations régionales déjà existantes, notamment via les PIR (Programme indicatif régional) financées partie par le FED. Ainsi le FED devient le moteur de l’intégration régionale économique des pays ACP, dans le but de favoriser la signature des APE, qui à terme doivent être la nouvelle forme de coopération UE-ACP. Chaque région de l’Afrique, via les intégrations régionales sont censées faire un APE avec l’UE avant le 31 décembre 2007, sous peine de perdre leur accès préférentiel au marché de l’UE. Les négociations sont en cours, aucun organisme d’intégration régionale n’a encore signé d’APE avec l’UE. Cependant une bonne part des pays ont signé individuellement des APE intérimaire avec l’UE, en prélude d’un APE complet avec la structure d’intégration régionale concernée comme le Bostwana, le Zimbabwe et le Cameroun. D’autres pays comme l’Ethiopie, le Soudan ont refusé la signature d’APE intérimaire. En 2007, plusieurs ONG ont appelé à la manifestation contre les APE dans la lutte globale des accords de libre échange au niveau international, suivis de diverses manifestations contre la signature des APE au Sénégal en 2008 par exemple. Les APE créent aussi la controverse parmi les universitaires africains tels que le camerounais Raymond Ebalé.
L’exemple du Cameroun permet de voir les effets de l’APE. Celui-ci, pays membre de la CEMAC et de la CEEAC, a signé un APE intérimaire le 17 décembre 2007. Cela permet au Cameroun d’exporter ses produits en UE sans franchise de douane. En échange lors de cet accord, le Cameroun s’est engagé à libéraliser 80% de ses importations en provenance de l’UE sur une période de 15 ans. Des barrières douanières grandement affaiblies pour les produits en provenance de l’UE. Le manque à gagner pour le Cameroun serait alors de 29 milliards de Fcfa en 2010, avant d’atteindre un cumul de 7.000 et 13.000 milliards Fcfa respectivement en 2023 et 2030. De quoi expliquer la division et l’hésitation actuelles des pays africains pour s’engager dans la signature de ces accords.

Bruce MATESO

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