En 2013, le premier ministre anglais David Cameron a fait part de la nécessité de faire de Londres l’une des places les plus importantes de la finance islamique. La City, le centre mondial de la finance occidentale, a donc pour objectif, à terme, de concurrencer les pays musulmans en ce qui concerne la finance basée sur les lois de la sharia, la finance islamique.
Dans cette optique, un continent apparaît à nos yeux comme très important dans le développement de ce type de finance plus équitable à savoir le continent Africain.
En effet, l’Afrique est un continent diversifié aussi bien au niveau des cultures qu’au niveau des religions. Au cours des siècles, de nombreux pays ont vu l’islam devenir la religion et le mode de vie des populations que ce soit en Afrique de l’ouest, dans des pays comme le Sénégal, le Mali et surtout le Nigéria, super puissance régionale et futur « grand » au plan mondial. On peut également inclure les pays d’Afrique centrale et d’Afrique de l’est. Il est donc évident que l’Afrique, ce continent en expansion, est un marché important en ce qui concerne la finance islamique.
Avant de voir l’application de ce mode de financement, il faut d’abord revenir sur la finance islamique en général, son mode d’application et son expansion dans le monde.
Qu’est-ce que la finance islamique ?
La finance islamique se constitue en produits financiers et transactions respectant la Charia, qui est le système éthique de la religion musulmane. Cela concerne l’interdiction de parier, de consommer de l’alcool, du tabac et au niveau du secteur financier, cela concerne la spéculation qui est considérée comme à l’origine de la crise des subprimes et les taux d’intérêt. La finance islamique se veut donc plus saine par rapport au monde financier occidental et c’est cette vertu qui est de plus en plus prisée et pronée comme un avantage Les principaux instruments utilisés dans le cadre de cette finance sont :
- LaMourabaha : permet l’achat et la vente d’un bien au prix de ce dernier auquel s’ajoute une marge bénéficiaire. C’est l’instrument principale de la finance islamique
- LaMoudarabah : une banque décide d’investir dans un projet en le finançant totalement
- LaMoucharakah : association entre des entités dans le capital d’une entreprise, un projet
- L’istisnaa : un contrat d’entreprise en vertu duquel une partie demande à une autre de lui fabriquer ou construire un ouvrage
- LeSukuk dont on parlera plus tard
En 2013, la finance islamique représentait 1 800 milliards de dollars, plus de 2 000 milliards de dollars en 2014 et ce secteur financier ne cesse d’augmenter, d’où l’intérêt pour la City de devenir un centre mondial de la finance islamique.
Un essor récent en Afrique subsaharienne
En Afrique, le développement de cette finance est plus lent. Consciente de ce que ce marché représente, la BCEAO (Banque Centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest) a conclu en 2012 un accord avec la Banque Islamique de Développement dans le but de la développer sur le continent. Elle publiait ainsi un document qui établissait qu’elle s’était « fixée pour objectif d’améliorer le cadre existant, de façon à renforcer le développement de ce secteur dans l’UEMOA, en complément au système financier conventionnel ».
Cette implication de la BCEAO s’est illustrée début 2016 avec un accord signé entre la banque centrale et la société islamique pour le développement du secteur privé (SID). Cet accord convient d’un versement de 30 millions de dollars pour financer les PME ouest africaines, somme pouvant être réévaluée à 100 millions de dollars.
Auparavant, le Sénégal avait réussi son entrée sur le marché la finance islamique. En effet, en juillet 2014, il a effectué la première opération d’émission de Sukuk selon la BIS, banque islamique du Sénégal, ce qui a permis à l’état sénégalais de lever une somme de 100 milliards de Francs CFA. Cette technique correspond, selon la banque islamique de développement BID à l’équivalent islamique des obligations. Cependant, contrairement aux obligations conventionnelles, qui confèrent simplement la propriété d’une dette, le Sukuk accorde à l’investisseur une part d’un actif, ainsi que des flux de trésorerie et des risques proportionnés. ».
Ensuite, en novembre 2015, la Côte d’Ivoire a réussi à mobiliser 150 milliards de francs CFA toujours par le biais de la Sukuk.
Toujours en Côte d’Ivoire, en 2013, la BID finance une autoroute qui a permis de relier l’autoroute Nord à Yamoussoukro, la capitale administrative du pays.
Cette entrée avec succès sur ce marché révèle le potentiel africain mais la finance islamique s’est développée bien avant ces années en Afrique subsaharienne dans des proportions moindres.
On remarque également la création d’institutions spécialisées dans le domaine de la finance islamique comme par exemple la banque islamique du Sénégal et la présence de la Banque islamique de développement dans 11 pays à travers le monde parmi lesquels le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Soudan, la Gambie et la Guinée. Depuis 2008, la BID a effectué de nombreux investissements en Afrique de l’ouest et ces investissements ont été regroupés dans la Tamweel Africa Holding qui avait fin 2012 un portefeuille de crédits supérieur à 400 millions d’euros. Trois autres institutions islamiques qui devraient être lancées toujours par la BID le Bénin, le Tchad et le Mali. Au final, selon le site de la finance islamique, le nombre de banques islamiques dans les pays subsahariens est très impressionnant notamment au Soudan (liste consultable sur le site http://lafinanceislamique.com/liste-banques-islamiques-france-monde/).
Une alternative au delà du Dar al-islam ?
La finance islamique est donc indéniablement en expansion. Le nombre d’institution islamique a connu une augmentation tout comme le nombre de projets dans les pays Africains mais une partie du continent reste en dehors de ce type de finance.
Alors qu’auparavant elle était considérée comme uniquement compatible avec la religion musulmane, de nombreux pays occidentaux ont compris les enjeux de la finance islamique et ont décidé de s’investir sur ce marché. Pour preuve, la taille de ce marché pourrait plus que doubler d’ici 2020.
Des pays dits non musulmans comme par exemple l’Afrique du Sud ont développé la finance islamique donc la question est de savoir s’il serait intéressant pour d’autres acteurs et zones du continent africain (Angola, RDC) d’ajouter cette option aux pratiques existantes.
Malick FAYE
Sources:
http://www.lesechos.fr/finance-marches/vernimmen/definition_istisnaa.html
https://ribh.wordpress.com/2014/12/14/finance-islamique-la-mourabaha-halal-ou-haram/
http://www.bis-bank.com/fr/mot-du-directeur
https://www.al-kanz.org/2016/01/21/finance-islamique-onu-humanitaire/
http://www.economie.gouv.fr/cedef/finance-islamique
http://fr.financialislam.com/la-sharia.html
English version :
In 2013, the English Prime Minister David Cameron stressed the need for London to become one of the most important places of the Islamic finance. The City of London, the world centre of the Western finance, aims, in the long run, to compete with the Muslim countries regarding the finance based on sharia, the Islamic law.
With this aim in mind, a continent appears to be essential in the development of this type of fair trade, the Sub-Saharan continent.
Indeed, Africa is a diversified continent as well at the cultural level as at the religious level. A lot of countries has a population and lifestyle influenced by Islam for example in West Africa, in countries such as Senegal, Mali and especially Nigeria, a regional super-power and future « great » on a global scale. We can also include several countries in Central and Eastern Africa. It is clear that Africa, this rapidly expanding continent, is an important market with regard to the Islamic finance.
Before studying the implementation of this financing method, we have to deal with the Islamic finance in general, its implementation and its spreading worldwide
What is Islamic finance?
Islamic law is part of financial products and transactions respecting the Sharia. It is the Islamic religion’s ethical system. It is forbidden to bet, to drink alcohol, to smoke tobacco and regarding the financial sector, it is prohibited to speculate (this was at the origin of the sub primes crisis) and to apply interest rates. Islamic finance wants to be saner with respect to the Western financial world and that’s why Islamic finance is increasingly valued. The main instruments used under this particular finance are :
- « Mourabaha »: allows both the purchase and sale of a good at its price plus a profit margin. It is the main instrument of Islamic
- « Moudarabah »: a bank decides to invest in a project by financing it fully.
- « Moucharakah »: association between bodies in the capital of a company, a project.
- « Istisnaa »: a business contract in which a contracting party requests to the other to make or build a work.
- « Sukuk»: We will discuss it this later.
- In 2013, Islamic finance represented 1800 billion dollars, more than 2 000 billion dollars in 2014 and this sector is becoming increasingly large, which explains the interest for the City of London to become a world centre for Islamic finance.
A recent expansion in Sub-Saharan Africa.
In Africa, the development of this finance is slower. The Central Bank of the West African States is fully aware of the importance of this market that’s why it concluded in 2012 an agreement with the Islamic Development Bank (IDB) in order to develop and promote it within the continent. A document was published in which it established that « the IDB aims to improve the existing framework to reinforce the development of this sector within the WAEMU region, in addition to the conventional financial system ».
The involvement of the Central Bank of the West African States was shown early 2016 by an agreement signed with the Central Bank and the Islamic society for the development of the private sector. This agreement agreed on the payment of 30 million dollars to finance West African SMEs, this amount can be reviewed to 100 million dollars.
Previously, Senegal succeeded to enter into the Islamic finance’s market. In July 2014, it has done the first issue transaction of sukuk according to the Senegal Islamic Bank (SIB) and this enables the Senegalese state to raise an amount of 100 billion CFA francs. This technique, according to the BID, is equivalent to the bonds. Nevertheless, contrary to the treaty obligations, which entitled a land ownership, the sukuk allows the investor a portion of the financial asset, the cash flows and proportionate risks. Then, in November 2015, Ivory Coast succeeded to raise 150 billion CFA francs thanks to the Sukuk. Also in 2013, the IDB financed a highway that connected the North highway in Yamoussoukro, the administrative capital of the country. This success indicates this particular African potential but the Islamic finance developed long before in the sub-Saharan Africa to a lesser extent.
We notice also the creation of specialized institutions in the Islamic finance sector such as the Senegal Islamic Bank and the existence of the Islamic Development Bank in 11 countries worldwide for example in Senegal, Ivory Coast, Sudan, Gambia and Guinea. Since 2008, the IDB has invested in West Africa and these investments were gathered into the Tamweel Africa Holding which had in 2012 a loan portfolio superior to 400 million Euros. Three others Islamic institutions should be created by the IDB in Benin, Chad and Mali. According to the Islamic finance website, the number of Islamic banks in the sub-Saharan countries is tremendous especially in Sudan (a searchable list on this site
http://lafinanceislamique.com/liste-banques-islamiques-france-monde/).
An alternative beyond Dar al-Islam?
Undeniably, the Islamic finance is expanding. The number of Islamic institution has raised significantly just as well the number of project in the Sub-Saharan countries but a huge section of the continent remains out of this kind of finance.
While before, it was considered exclusively compatible with the Islamic religion, a lot of western countries understood the issues of the Islamic finance and decided to invest within this market. As proof, the size of this market could more than double by 2020. Non-Muslim countries such as South Africa developed the Islamic finance so what matters is determining whether it is interesting or not for others actors and regions (for e.g. Angola or DRC) to add this option to the existing practices.
Un avis sur « La finance islamique, une opportunité pour le continent subsaharien?/ Islamic finance: an opportunity for the sub-Saharan continent? »